• L'ornithologue

    L'ornithologueL'ornithologue

    Drame , Brésil, France, Portugal, 117 min, 2015

    Réalisation : João Pedro

    Scénario : João Pedro Rodrigues

    Production : Blackmaria, Itaca Films, House on Fire

    Producteurs : João Figueiras, Diogo Varela Silva

    Image : Rui Poças

    Montage : Raphaël Lefèvre

    Musique : Séverine Ballon

    Diffusion : Arte

     Avec :  Paul Hamy, João Pedro Rodrigues, Xelo Cagiao, Han Wen, Chan Suan, Juliane Elting

     

    Synopsis  

    Au travers d'un périple initiatique en pleine nature, la métamorphose en figure sainte d'un scientifique, spécialiste des oiseaux... Réalisée par le Portugais João Pedro Rodrigues ("O fantasma"), une allégorie cinématographique à la beauté ensorcelante. Léopard de la meilleure réalisation, Locarno 2016.

    Parti en expédition dans le nord du Portugal sans son compagnon Sergio, Fernando, un ornithologue descend en kayak le Douro, afin d'observer une espèce rare de cigognes. Tout à la contemplation de différentes espèces d'oiseaux au-dessus du fleuve, il réalise trop tard que son embarcation est prise dans un rapide. Retrouvé inanimé près d'une berge, il est secouru in extremis par Lin et Fei, deux jeunes Chinoises qui se sont égarées sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle. Mais, au petit matin, il se réveille à moitié nu, solidement ligoté au pied d'un arbre… Au fil d'un dangereux périple, Fernando est peu à peu dépouillé de ses possessions terrestres : en route, il aura perdu son bateau, ses médicaments, sa voiture, mais également son amant lisboète dont il laisse sans réponse les appels inquiets. Fragile et désorienté, perdu au milieu d'une nature sauvage parée de mille splendeurs, le scientifique méthodique et passionné enchaîne les rencontres insolites, croisant tour à tour la route de Jesus, un innocent berger sourd et muet, d'hommes-oiseaux attelés à la célébration d'un rite païen ou faisant face à un trio bienveillant d'amazones.

    La métamorphose

    Dans son monde cinématographique onirique et contemplatif, le cinéaste portugais (La dernière fois que j'ai vu Macao) dissout les frontières entre rêve et réalité, raison et foi, pour suivre l'inexorable métamorphose de son protagoniste en la figure du prêtre franciscain Antoine de Padoue, né Fernando Martins de Bulhões et saint patron du Portugal et de Lisbonne. D'une beauté visuelle aussi déroutante qu'ensorcelante, L'ornithologue a été récompensé dans de nombreux festivals internationaux, notamment celui de Locarno, en 2016.

    (Présentation par le diffuseur Arte)

    Dans la presse et au fil des blogs...

    Paul Hamy dans le film portugais, français et brésilien de et avec João Pedro Rodrigues, « L’Ornithologue ».Paul Hamy dans le film portugais, français et brésilien de et avec João Pedro Rodrigues, « L’Ornithologue ». EPICENTRE FILMS

    L’avis du « Monde » – à ne pas manquer

    On n’a plus si souvent l’occasion, au cinéma, de s’aventurer dans ces forêts de songes, dont les chemins sinueux et ésotériques nous font perdre la raison. L’Ornithologue, quatrième long-métrage en solo du Portugais João Pedro Rodrigues, est de ces films-là, et sa sortie a quelque chose de téméraire, en ces temps nébuleux où le spectateur en quête de clarté ne prendra peut-être pas le risque de s’y perdre. Pourtant, la splendeur ­formelle du film, son efflorescence symboliste, son impré­visibilité totale, sa destination euphorique, dessinent l’une des plus belles randonnées de cinéma vues depuis longtemps. Si l’égarement des sens comme du sens commun est sa condition, il reste encore le trajet le plus sûr pour mieux se retrouver soi-même, transformé et nouveau.

    Difficile de raconter un film qui ne cesse de se dérober, bifurquant et se recomposant presque à ­chaque plan. Il part d’un pos­tulat rationnel : Fernando (Paul Hamy), l’ornithologue en titre, venu en excursion dans les gorges fluviales du Haut Tras-os-Montes, près de la frontière espagnole, observe comme il se doit les oiseaux du coin. Entraîné par le courant, son canoë se fracasse dans les rapides et le laisse inanimé à l’orée d’un bois. C’est là que deux Chinoises égarées, en pèlerinage vers Saint-Jacques-de-Compostelle, le retrouvent, le réaniment et le soignent autour d’un feu de camp. Au matin, ­Fernando se retrouve à demi-nu, encordé à un arbre ­façon « bondage » sadomasochiste…

    Le film avance au rythme de la marche, endossant un mode hallucinatoire du récit picaresque

    Le récit vient alors de basculer, et s’enfonce avec son personnage dans un territoire de plus en plus fantasmatique, peuplé de figures à la fois légendaires et charnelles : un berger sourd-muet nommé ­Jésus, les convives déguisés d’un rituel païen, une troupe d’amazones dépoitraillées, ainsi qu’une foule d’animaux sauvages semblant guider Fernando vers un terme secret.

    Le film avance ainsi au rythme de la marche, endossant un mode hallucinatoire du récit picaresque, dont chaque étape marque la perte d’identité du ­héros, peu à peu dépouillé de ses effets, comme de ses attributs. Ce qui frappe, en premier lieu, c’est la logique essentiellement géographique à laquelle l’ensemble répond : Fernando, sans jamais pouvoir revenir au monde civilisé, traverse des paysages splendides, imposants, impérieux, et litté­ralement « surnaturels » – dans le sens d’une nature fantasmagorique qui finit par tout envahir, jusqu’à la réalité même. Rodrigues filme ce territoire avec une infinie précision, inscrivant dans le cadre ses reliefs, ses anfractuosités, ses matières (l’eau, la roche, la terre, la végétation), comme une grande éruption de formes où se logerait en creux le parcours du héros. Rien n’empêche donc de voir le film au premier degré, comme l’exploration d’espaces fascinants et secrets, dont on ne sait jamais sur quoi ils vont déboucher.

    Iconographie des saints

    Mais tout est double dans cet univers, et la mort n’y a qu’une valeur symbolique : celle d’un passage vers d’autres occurrences de soi. En effet, Fernando semble lui-même avoir plusieurs corps, plusieurs vies et plusieurs noms, puisqu’on finit par l’ap­peler Antoine (d’après saint ­Antoine de Padoue, l’un des saints les plus populaires du Portugal). Plus précisément, chaque station de son périple convoque l’iconographie des saints, et ­s’apparente ainsi à un martyrologe : le randonneur sera ligoté, blessé, abattu, et ses plaies examinées comme celles du Christ par saint Thomas.

    Plus généralement, son dialogue avec les oiseaux fait im­manquablement penser à saint François d’Assise. Tout le film peut être ainsi vu comme une pro­fanation agréablement blas­phématoire de l’imagerie sainte, ramenée aux termes de la passion amoureuse. Les corps dénudés et glorifiés au sein d’une ­nature hallucinée, les étreintes naissant au gré d’une clairière donnent lieu à une troublante plongée subjective, dont la fin ­serait la soudaine transfiguration du héros. Car ici comme dans tous les films de Rodrigues, le chemin n’est jamais que l’indice extérieur d’une métamorphose plus profonde, au cours de laquelle les êtres déposent à terre la peau morte de leurs identités obsolètes.

    Le cinéma bouillonnant de João Pedro Rodrigues au Centre Pompidou

    Jusqu’au 2 janvier, Beaubourg consacre une rétrospective au ­Portugais João Pedro Rodrigues, seul cinéaste européen à inventer des cheminements fantasmatiques capables de côtoyer les cimes ensorcelées de certains de ses cousins asiatiques (Apichatpong Weerasethakul, Tsaï Ming-liang, Kiyoshi Kurosawa). L’occasion ­d’explorer son œuvre, entre films de fiction – parmi lesquels les ­sidérants O Fantasma (2000) et Mourir comme un homme (2009) – et documentaires coréalisés avec son complice Joao Rui Guerra da Mata. On peut leur ajouter une série de courts-métrages, l’installation San Antonio encore inédite en France, ainsi qu’une réponse filmée à la question que pose traditionnellement le Centre à ses invités, « Où en êtes-vous… ? » De quoi plonger plus avant dans le bain troublé et fascinant dont bouillonne le cinéma selon Rodrigues.

    source : Mathieu Macheret, Le Monde


     

    Un ornithologue, seul sur le fleuve Douro, dans le nord du Portugal, perd le contrôle de son kayak. Il se réveille au milieu d’une nature hostile, façon The Revenant… Mais avec le cinéaste d’O fantasma, il n’y a pas de convention qui tienne. Bientôt l’irrationnel s’en mêle. Puis le fantasme. Enfin, le religieux : il s’agit d’une évocation très libre de la vie de saint Antoine de Padoue, grande figure de la culture portugaise, qui, après un naufrage, prôna le dénuement matériel et changea de nom. Les fans de João Pedro Rodrigues, peu nombreux mais fervents, retrouveront le sel de ses films précédents : l’exploration du corps et de ses limites. La quête existentielle et métaphysique d’un personnage qui n’en finit pas de se découvrir, comme une terre inconnue. L’Ornithologue apporte, en plus, une maturité radieuse. Son acteur principal, le Français Paul Hamy, y est pour beaucoup, avec son regard clair, enfantin, et sa force physique de baroudeur. Un héros comme innocent face à l’érotisation dont il fait l’objet, à tout moment.

    L’audace la plus surprenante du cinéaste consiste à prêter sa voix à son interprète. Et même, par flashs occasionnels, à prendre sa place dans l’image. Tout comme, au xiiie siècle, Fernando est devenu Antonio, l’ornithologue joué par Paul Hamy devient peu à peu quelqu’un d’autre, qui aurait le visage de João Pedro Rodrigues. Ce n’est pas seulement une belle idée théorique (l’auteur dévoilé derrière le personnage), mais un hymne émouvant au changement et à la métamorphose.

    source : Louis Guichard, Télérama

    Vu en septembre 2019 (Arte)

     

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