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    Comrades

    Comrades

    Film historique, drame (Royaume-Uni, 1987, 183 min)

    Réalisation :  Bill Douglas

    Scénario : Bill Douglas

    Musique : Hanz Werner Hanze, David Graham

    Image : Gale Tatersall

    Avec... Keith Allen, Dave Atkins, Stephen Bateman, Katy Behean , Mark Brown, Michael Clark, Patrick Field, William Gaminara, Freddie Jones, Robin Soans, Imelda Staunton, Robert Stephens,

    Production : Skreba Films, Film Four International, National Film Finance Corporation, Curzon Film Distributors

    Distribution :  UFO distribution

     

    Synopsis :  

    Grande-Bretagne, Dorset, 1834. George Loveless et ses amis, laboureurs à Tolpuddle, sont de plus en plus exploités par les propriétaires terriens, avec la complicité du clergé, comme la plupart des paysans du Dorset. Constatant que Frampton, un des riches propriétaires des terres sur lesquelles ils travaillent, réduit régulièrement leurs gages, ils décident d'agir : ils s’organisent pour revendiquer des hausses de salaires, et créent en secret la Société Amicale des Laboureurs. Réunissant autour d'eux d'autres ouvriers agricoles, ils se retrouvent clandestinement pour tenter de défendre collectivement leurs intérêts. Dénoncés par un propriétaire, six d’entre eux sont condamnés à la déportation en Australie pendant 7 ans. Devenus très populaires et hérauts d’une classe de plus en plus pauvre, ils deviennent les « martyrs de Tolpuddle ». 

     

    Dans la presse... 

    Pour Samuel Douhaire de Télérama, Bill Douglas « rend hommage à ces syndicalistes en peintre autant qu'en cinéaste. Il magnifie les couleurs douces des paysages du Dorset pendant les moissons ou sous la neige et restitue la lumière crue des antipodes dans des plans composés comme des tableaux. Le cinéaste parvient à éviter le prêchi-prêcha révolutionnaire grâce à un superbe « fil rouge » poétique. L'épopée des « camarades » est scandée par le récit d'un montreur d'ombres itinérant, interprété par Alex Norton. A chacune de ses apparitions correspond une nouvelle machine optique qui préfigure l'arrivée du cinéma (diaporama, lanterne magique, appareil photo très expérimental...). Magnifique façon de montrer que l'art accompagne l'humanité dans son rêve d'une vie meilleure et sublime cet idéal de fraternité. »

    Pour Bruno Icher de Libération, « Comrades rassemble tout ce qui constitue le cinéaste : son indignation fondatrice, son inébranlable conviction d’aller au bout de ses idées mais aussi son infatigable soif d’explorer un langage cinématographique unique, d’une radicalité, parfois même d’une brutalité, à l’opposé de la naïveté humaniste du propos. [...] le cinéaste tranche dans le vif des situations, instillant la douleur, la frustration, la faim, l’humiliation grâce à un rythme syncopé alternant longs plans contemplatifs et brusques ruptures en gros plans ultrasymboliques. »


     

     " L’Ecossais Bill Douglas (1934-1991) est surtout connu pour sa superbe trilogie en noir et blanc ressortie il y a environ un an, sur son enfance et sa jeunesse de prolétaire. En couleurs, inédit en France, Comrades (1986), le dernier film qu’il ait tourné (sur plusieurs années, dans des conditions de production épuisantes), est d’un tout autre acabit, même si l’on y retrouve la force d’un cinéma unique, engagé, humaniste, sobre et imaginatif. Sur un autre mode opératoire et esthétique que la trilogie (plus bressonienne et buñuelienne), la découverte de Comrades coïncide curieusement avec la sortie récente de la dernière partie de Heimat de l’Allemand Edgar Reitz et avec celle de Jimmy’s Hall de Ken Loach.

    De quoi y est-il question à chaque fois ? De l’immigration, de l’exil, de ces citoyens gênants (pauvres, trop habités par des idées de justice et de changement) que les Etats réactionnaires des sociétés occidentales des XIXe et XXe siècles décidèrent d’envoyer à l’autre bout du monde aller voir s’ils y étaient : dans leurs colonies.

    Comrades raconte une histoire vraie : celle de George Loveless, de son frère, de ses amis, laboureurs dans le village de Tolpuddle, dans le Dorset, en 1834, connus depuis sous le nom des “martyrs de Tolpuddle”. L’histoire est la même partout les mafias italiennes sont nées pour les mêmes raisons) : les propriétaires exploitent les agriculteurs, font baisser leurs salaires, avec l’aide du clergé qui préfère que les pauvres restent pauvres. Les exploités se regroupent en une société secrète, une sorte de corporation qui croit dans la force du collectif. Arrive ce qui doit arriver : la répression, la sanction, la punition, le rétablissement de l’ordre. On les juge vite et on les déporte en Australie, où ils vont casser des cailloux ou exploiter des terres arides et des gens encore plus pauvres qu’eux : les autochtones. Une histoire très européenne, en somme.

    Dans des tons qui s’inspirent d’évidence de la peinture (notamment de Vermeer),Bill Douglas donne à ce récit un éclat tout particulier. Son film est, sans retenue, de manière très assumée, un hymne à l’humanité et au courage de ces hommes. Ce qui pourrait être gênant ou ridicule (une vision manichéenne qui oppose les lords cyniques et affreux aux travailleurs vaillants et obstinés) ne l’est jamais. Un souffle lyrique, plein de pudeur, emporte sur son passage tous les scrupules du spectateur, ainsi qu’une foi profonde dans l’inexorabilité du sens de l’histoire – d’ailleurs, le film se termine “bien”, car l’affaire de Tolpuddle secoua la société britannique, poussa d’autres corporations à se regrouper pour former des lobbys, et Loveless et ses amis devinrent leurs héros emblématiques, statut qui leur permit de revenir d’exil.

    Ce qui fait la qualité de Comrades, c’est sa mise en scène. Douglas est un créateur de formes, pas le simple artisan enregistreur académique d’une réalité sociale. Il a lu Brecht et en a tiré des leçons. Emboîtant les récits, multipliant les clins d’oeil aux procédés de projection d’images antérieures à l’invention du cinéma (théâtre d’ombres, kaléidoscopes, lanternes magiques, etc.), il recrée le réel dans un monde imaginaire, lie le destin de ces hommes ancrés dans la réalité à celui des images merveilleuses sur le point de devenir mouvantes, comme s’il considérait que la marche vers l’avènement du cinéma était indissociable du progrès social ou d’une sensibilité au monde – on trouve des traces de cette dernière idée dans certains films d’Ingmar Bergman, par exemple. Douglas multiplie les audaces baroques et grotesques typiques d’un pan entier de la littérature britannique (Shakespeare le premier) : violence, courte scène de zoophilie (coupée au montage à l’époque), acteur interprétant plusieurs personnages.

    Comrades est un film bouleversant, parce qu’au-delà de son récit, il y a la croyance absolue dans la puissance de la représentation et dans le spectacle. De ce jeu permanent entre le réel et l’imaginaire, le spectateur ressort lavé, galvanisé, n’ayant pas vu les trois heures passer. Pesons nos mots : un chef-d’œuvre." (Jean-Baptiste Morain, Les Inrockuptibles, juillet 2014)


     

    " La redécouverte en salles de l’œuvre de Bill Douglas fut pour beaucoup une formidable claque. Trente-cinq ans après son achèvement, la trilogie My Childhood / My Ain Folk / My Way Home obtenait enfin une juste reconnaissance sur les écrans français, révélant le talent brut d’un cinéaste britannique prématurément disparu et trop longtemps oublié. Dans ces trois films, personnels et douloureux, l’auteur revisitait sa jeunesse malheureuse sous le ciel gris d’Écosse, au fil d’un récit sombre et lacunaire. Abandonné au milieu des terrils, le petit Jamie cherchait désespérément un ami, et finissait par trouver le salut dans la rencontre fondatrice avec un compagnon de service militaire. Délaissant l’autobiographie pour traiter un fait historique, Comrades offre un profil moins âpre, mais creuse avec obstination le même sujet : la quête d’une fraternité humaine par-delà la souffrance, la misère et la solitude – ou comment transformer la rage en amour.

    « How can we live on eight shillings a week ? »

    1834, dans un village au sud de l’Angleterre. Épuisés par leurs conditions de travail, des laboureurs exigent une meilleure rémunération et se révoltent contre les propriétaires terriens. Pour obtenir gain de cause, ils choisissent de s’unir et créent une organisation, préfigurant l’essor du syndicalisme. Au terme d’une parodie de justice, six membres sont arrêtés et déportés en Australie. Pendant trois heures, Bill Douglas retrace l’aventure de ces « martyrs de Tolpuddle » avec grâce et sincérité. Malgré une reconstitution soignée, il évite parfaitement l’écueil de la fresque en costumes et s’en tient dans un premier temps à une chronique patiente. Par touches discrètes, autour d’une galerie de personnages joués par des comédiens méconnus, il parvient à faire exister une communauté solidaire, sans verser dans le pathos ni le folklore. Dans un décor brumeux, à la fois réaliste et onirique (toits de chaume, sentiers boueux, intérieurs austères et paysages majestueux), les instantanés de la vie quotidienne s’enchaînent, tantôt rugueux tantôt joyeux.

    Bill Douglas frappe encore par la précision de ses cadrages : leur composition limpide répond à un discours politique très frontal (voir la sécheresse de ces plans où les insurgés soutiennent le regard de leurs maîtres et leur adressent face caméra un geste de défi). Il confirme également son aisance pour le découpage, isolant souvent un visage dans le groupe, marquant son goût pour le détail, ou provoquant certains effets de rupture (ainsi le rire incongru d’une enfant qui vient trouer le silence après le chant mélancolique d’une jeune femme au cours d’une veillée). Après le noir et blanc charbonneux de la trilogie, Bill Douglas passe avec succès à la couleur et porte une attention constante à l’éclairage : sa peinture du monde rural, baignée de clair-obscur, de lumières jaunes et de tons fatigués, évoque par endroits les tableaux de Jean-François Millet.

    Les forçats de la faim

    La seconde partie – amorcée par un splendide balayage cartographique en guise d’entracte, amenant doucement le spectateur de la Manche à Botany Bay – entraîne le film dans une nouvelle direction et lui donne toute son ampleur. Sous un soleil écrasant, les forçats effectuent leur peine dans le désert aride, et le scénario prend un virage épique. Cette arrivée en Australie suscite la même sidération que le départ vers l’Égypte au seuil de My Way Home, avec un soudain changement d’ambiance, de style et de climat. La mise en scène se resserre, devient plus tendue. Des ellipses fulgurantes soulignent la cruauté de cette détention : à la folle évasion d’un prisonnier succède immédiatement son retour au camp ligoté. Le montage accentue la violence des situations avec un vrai sens de l’épure : des gouttes de sang zèbrent le sol craquelé après le claquement d’un coup de fouet ; un vautour dévore la carcasse d’un garde-chiourme tandis que son chien s’enfuit vers l’horizon. Dans cet univers terrifiant émergent pourtant des moments de beauté : les discussions entre le jeune Charlie et George Loveless, tête de proue du mouvement, rappellent la filiation entre Jamie et le soldat allemand dans My Childhood.

    Aussi engagé soit-il (et il fallait du courage pour tourner ce film en plein thatchérisme), Comrades ne ploie jamais sous la démonstration car Bill Douglas lui insuffle sa patte grâce à une idée fabuleuse : à l’étude minutieuse d’un progrès social se mêle une paisible relecture des origines du cinéma. Dès le prologue, nous suivons les pas d’un montreur d’ombres venu présenter ses tours aux habitants. Ce témoin itinérant prendra dans le film de multiples facettes, toutes incarnées par le même interprète (Alex Norton), ponctuant l’histoire par ses diverses inventions merveilleuses, de la lanterne magique à la photographie. Collectionneur acharné de machines optiques et d’archives, aujourd’hui réunies dans un musée à Exeter, Bill Douglas témoigne ainsi de toute sa passion pour un art capable de transfigurer le réel sans oublier ses racines populaires. " (Gildas Mathieu,  Critikat, juillet 2014)

     

     

     Édifiant, instructif, ce récit rend hommage aux paysans britanniques qui surent s'organiser pour défendre leur dignité face à des propriétaires terriens qui les affamaient et les réduisaient à l'état d'esclaves, cela au milieu du XIXe siècle. Dans cette expression de la volonté de chaque homme d'être libre, courageux et digne, qui passe ici par une forme de confrérie clandestine par nécessité on pense à l'émergence des loges maçonniques qui ne sont pas l'apanage des classes supérieures de la société.

    Le mode de narration, les choix esthétiques, jusqu'à l'accent très heurté des personnages, les nombreuses ellipses qui jalonnent le film sont autant d'éléments qui bouleversent le spectateur.

    Vu le 8 février 2017 (diffusion Arte TV) 

     

     

      

     

     


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