• La 317ème section

     

     

    La 317ème section

    Film de guerre (France, Espagne, 1964, 94 min)

    Cadreur :  : Georges LironLa 317ème section

    Réalisation : Pierre Schoendoerffer, assisté de Philippe Fourastié

    Scénario et dialogues : Pierre Schoendoerffer d'après son roman éponyme

    Musique : Pierre Jansen et Gregorio García Segura

    Photo : Raoul Coutard

    Montage : Armand Psenny

    Directeur de production : René Demoulin

    1er assistant réalisateur : Philippe Fourastié

    Avec... Jacques Perrin : le sous-lieutenant Torrens, Bruno Cremer : l'adjudant Willsdorff, Pierre Fabre : le sergent Roudier,Manuel Zarzo : le caporal Perrin, Boramy Tioulong : le sergent supplétif Ba Kut, Saksi Sbong...

    Producteurs :Georges de Beauregard, Benito Perojo

    Production :Rome-Paris films, Producciones cinematograficas Benito Perojo

    Distribution :  Ciné classic

     

    Synopsis :  

    Mai 1954, en Indochine. Diên Biên Phu va tomber. La 317e section, cantonnée dans le Nord-Laos, reçoit l'ordre de se replier vers le sud, afin de rejoindre une colonne de renfort en route vers Diên Biên Phu. Le sous-lieutenant Torrens, frais émoulu de Saint-Cyr, et l'adjudant Willsdorf, un baroudeur, rassemblent leurs hommes, deux Européens et une quarantaine de supplétifs laotiens. La petite troupe se met en marche, dans des conditions extrêmement pénibles, à travers la jungle et mille dangers. Constamment harcelés par les combattants adverses, les soldats endurent le martyre...

    Tourné au Cambodge, il s'agit d'un des rares films réalisés sur la guerre d'Indochine. Pierre Schoendoerffer, qui a été cinéaste aux armées pendant cette guerre et a notamment participé au siège de Diên Biên Phu, a voulu donner un réalisme quasi documentaire à son film avec une prise de vue faite caméra à l'épaule. Pendant un mois, il a obligé acteurs et techniciens à vivre et à bivouaquer au cœur de la forêt cambodgienne, rendant le tournage particulièrement pénible. « J'ai imposé à tout le monde la vie militaire, dira le cinéaste. Un film sur la guerre ne peut pas se faire dans le confort. Tous les matins, nous nous levions à 5 heures et nous partions en expédition à travers la jungle. Nous étions ravitaillés par avion toutes les semaines. La pellicule était expédiée à Paris dans les mêmes conditions. De là-bas, on nous répondait télégraphiquement 'Bon' ou 'Pas bon'. »

    Jacques Perrin interprète le personnage du sous-lieutenant Torrens et Bruno Cremer celui de l'adjudant Willsdorff.

     

    Dans la presse :

    Cameraman dans l'armée française, Pierre Schoendoerffer a filmé la guerre d'Indochine, de 1952 à la chute de Diên Biên Phu. Réalisé dix ans après, ce premier film constitue un jalon dans l'histoire du genre. Car la fiction est dégraissée de tout superflu : rien n'est laissé au hasard dans ce récit documenté, basé sur une connaissance du terrain et de l'action. Le cinéaste exigea des conditions quasi militaires pour le tournage.

    On suit le périlleux repli d'une section quittant un poste isolé pour rejoindre une zone sécurisée, 150 kilomètres plus au sud. Le groupe comporte une quarantaine d'hommes, pour la plupart laotiens, commandés par une poignée d'officiers français. A sa tête, le jeune sous-lieutenant Torrens, fraîchement sorti de Saint-Cyr, et l'adjudant Willsdorf, ­vétéran de la Wehrmacht. Entre les deux, il y a d'abord friction, puis fraternité. Le sentiment grandissant de déroute funèbre, l'hécatombe, l'agonie de certains soldats, Schoendoerffer les montre de manière implacable et rapide, sans s'apitoyer, même s'il rend hommage aux « rombiers » qui se sont sacrifiés. Le noir et blanc contrasté de Raoul Coutard et l'interprétation formidable de Jacques Perrin, fiévreux, et de Bruno Cremer, bloc de courage et de détachement, suscitent l'admiration. — Jacques Morice (Télérama)


    Au fil des blogs :

    Prenez « Le jour le plus long », avec sa pléiade d’acteurs célèbres. Puis comparez avec « Il faut sauver le soldat Ryan » de Spielberg. A trente ans de distance, vous vous apercevrez que la façon de filmer la guerre au cinéma a énormément évolué et que, de nos jours, le réalisateurs ne craignent pas – ou plus – de montrer sur le grand écran la réalité de la guerre.

    Regardez maintenant la 317e section. Filmé il y a maintenant 46 ans, avec peu de moyens au milieu de la jungle cambodgienne, ce long-métrage n’a pas pris une ride, oserait-on dire, tant son réalisateur, Pierre Schoendoerffer, a fait preuve d’avant-gardisme dans sa façon de fixer la guerre sur la pellicule.

    Car on ne rergarde pas la 317e Section : on est avec cette section de supplétifs tentant d’échapper aux « Viets » et commandée par le jeune – donc inexpérimenté – sous-lieutenant Torrens (Jacques Perrin), secondé par l’adjudant Willsdorf (Bruno Cremer), un Alsacien « malgré nous » qui a connu le front de l’Est sous l’uniforme allemand et qui fait la guerre en Indochine depuis 1946.

    Ce qui fait que ce long-métrage n’est pas un film de guerre comme les autres, c’est que la caméra de Schoendoerffer est en quelque sorte l’oeil du spectateur. D’ailleurs, on pourrait le prendre pour un reportage, ce qu’il n’est pas, à la différence de la Section Anderson (*), sujet d’un documentaire du même réalisateur, produit trois ans plus tard.

    Alors que, d’une manière générale, les films du genre exaltent un certain « héroïsme » qui confine à l’absurde (vous savez, le type qui passe au travers de toutes les balles tirées par une mitrailleuse pour aller sauver son camarade blessés tout en balançant un régime de grenades pour sauver son unité), la 317e section montre, qu’au contraire, le vrai courage ne consiste pas forcément à rejouer la charge de la brigade légère et qu’au contraire, il réside dans des décisions douloureuses à prendre et dans le sacrifice que l’on est prêt à accomplir au bénéfice de tous.

    « Un fusil-mitrailleur bien servi, ça vaut du monde, Roudier (le sergent gravement blessé, ndlr) ça valait quoi lui? Une vitesse d’escargot et Roudier est mort quand même, alors… » dit Willsdorf dans le film afin d’expliquer la raison pour laquelle il a risqué sa vie pour récupérer une arme sous le feu ennemi. « Je vais vous dire quelque chose mon lieutenant. Quand on fait la guerre, il y a une chose dont il faut être sûr. C’est que l’objectif à atteindre justifie les pertes, sans ça, on ne peut pas commander » expliquera un peu plus tard le même Willsdorf.

    En fait, ce film ne porte pas tant sur la vie militaire, mais surtout sur la condition humaine vue au travers d’une expérience militaire. C’est sans doute cela qui explique son succès et le fait qu’il ait traversé le temps sans avoir vieilli.

    Cela étant dit, une version restaurée de la 317e Section sera présentée ce 17 mai au Festival de Cannes, 45 ans après avoir obtenu le prix du scénario sur la Croisette. Une « performance », d’autant plus que la guerre d’Indochine a été très peu abordée au cinéma, voire pas du tout (hormis, encore une fois, les films de Schoendoerffer).

    Les anciens de cette guerre s’estiment oubliés. Sans doute parce que certains détails de ce conflits sont susceptibles de gêner quelques mouvements politiques favorables à ceux qui combattaient les soldats du corps expéditionnaire français… (n’oublions pas les camps de la mort Viet et les blessés débarqués en catimini à Marseille pour éviter les manifestions hostiles de syndicalistes).

    Puisse la programmation de ce film dans sa version « restaurée » réparer pendant le temps de sa diffusion cette injustice.


    A hauteur de soldat, ce long-métrage tourné à la façon d’un documentaire nous plonge en plein cœur du conflit indochinois avec une redoutable efficacité. Un spectacle totalement immersif.

    L’argument : La dernière marche de la 317e section qui, lors de la bataille de Dien Bien Phu, reçoit son ordre de repli. La section est composée de quarante et un supplétifs Laotiens et de quatre Français. Huit jours plus tard, la 317e section n’existe plus, mais pendant cette terrrible marche, deux hommes, l’adjudant Willsdorf, alsacien, incorporé de force dans l’armée allemande et le sous-lieutenant Torrens, frais émoulu de Saint-Cyr, vont apprendre à se connaître et à comprendre, même l’absurde.

    Notre avis : Cameraman au service cinématographique des armées durant la guerre d’Indochine, le réalisateur Pierre Schoendoerffer a également été journaliste à Paris-Match avant de se lancer dans le cinéma de fiction par trois films remarqués à la fin des années 50. Il trouve toutefois sa voie lorsqu’il choisit d’adapter à l’écran son roman La 317ème section, récit largement inspiré par son expérience personnelle en Indochine. Avec des moyens très limités, le cinéaste parvient à nouer des contacts avec les autorités cambodgiennes afin de tourner son film dans des paysages proches de ceux qui ont vu se dérouler cette sanglante guerre d’indépendance entre 1946 et 1954. Une fois la collaboration du Cambodge acquise, Schoendoerffer réunit une équipe de techniciens qui furent autrefois ses compagnons d’armes (dont le photographe Raoul Coutard à qui l’on doit la superbe photo en noir et blanc du film) et quelques acteurs prêts à tenter l’aventure. Dès lors, le réalisateur emploie la technique du tournage-guérilla en imposant à toute l’équipe (une douzaine de personnes seulement) un entrainement militaire, des heures de travail qui correspondent à celles des personnages et un parcours périlleux dans la jungle au rythme des soldats.

    A la manière d’un reportage pris sur le vif, Schoendoerffer s’interdit tout mouvement d’appareil complexe et préfère avoir recours à la caméra portée à l’épaule, anticipant ainsi de plusieurs décennies certaines figures de style récurrentes du film de guerre. Provoquant une immersion totale du spectateur à la suite des soldats de l’armée française (et de nombreux auxiliaires indochinois), le réalisateur ne juge à aucun moment les acteurs du conflit et, avec bienveillance, préfère se concentrer sur le calvaire des hommes pris au piège de cet enfer vert. Ici, point de nostalgie pour une Indochine coloniale, ni même de critique envers les agissements de l’armée, juste des êtres humains qui font leur devoir avec une certaine fierté, mais aussi une bonne dose de souffrance et de sacrifice de soi. Soulignant les conditions extrêmes dans lesquelles les militaires se sont battus (la chaleur, l’humidité, les maladies tropicales et un environnement hostile), La 317ème section offre non seulement un point de vue remarquable d’intelligence sur ce conflit meurtrier, mais également de beaux moments de cinéma grâce à la magnifique photo de Raoul Coutard et à l’implication des deux acteurs principaux. Jacques Perrin incarne la droiture avec noblesse, tandis que Bruno Cremer fait un baroudeur convaincant. Leur complicité transparaît à chaque seconde.

    Dans sa volonté de rester sans cesse à hauteur d’hommes, au risque de perdre de vue les enjeux géopolitiques du conflit, La 317ème section anticipe de plusieurs décennies des films américains aussi brillants que le Voyage au bout de l’enfer de Michael Cimino ou le Platoon d’Oliver Stone. Et ce n’est pas le moindre des compliments.

    Notes :

    - Le film a obtenu le Prix du meilleur scénario au festival de Cannes 1965.
    - Jacques Perrin est en 1964 une valeur montante du cinéma français, déjà repéré au théâtre, puis au cinéma dans deux oeuvres de Zurlini : La fille à la valise (1961) et Journal intime (1962). Il restera par la suite un fidèle de Pierre Schoendoerffer pour qui il tourna Le crabe-tambour (1977) et L’honneur d’un capitaine (1982).
    - Même s’il a tourné quelques films avant La 317ème section, c’est ce long-métrage qui a révélé Bruno Cremer au grand public . Il retrouva Pierre Schoendoerffer pour Objectif 500 millions (1966).

    (Virgile Dumez, blog "avoir alire")


     

    L'HISTOIRE

    Une section de l'armée française, composée de quarante et un supplétifs vietnamiens et de quatre Français, reçoit l'ordre par radio de quitter le fortin avancé qu'elle occupe à Luong Ba et de rejoindre un camp retranché à Lao Tsaï. Pendant la marche forcée entre les deux camps, la section apprendra la chute de Diên Biên Phu. Tout un symbole pour nos militaires, qui rendent coup pour coup malgré la fatigue et un moral déjà bien atteint. Arrivés en vue de Lao Tsaï, ils ne trouveront qu'un lointain panache de fumée indiquant que, là aussi, le rapport de force inégal a contraint les défenseurs à la reddition. Le sous-lieutenant Torrens et l'adjudant Willsdorf tenteront alors de rejoindre les montagnes...

    ANALYSE ET CRITIQUE

    Animé par un fort esprit d'aventure et la volonté de devenir cinéaste, le jeune Pierre Schoendoerfferaborde le conflit indochinois comme correspondant de guerre déjà fortement imprégné par ses lectures (Kessel, Conrad), endurci par ses premières expériences de marin, et avec l'héritage moral d'une famille aux racines alsaciennes qui a subi de plein fouet les deux premières guerres mondiales. Fidèle à la parabole des talents qui l'accompagnera toute sa vie, il se jette à corps perdu dans les évènements et fera en Indochine les rencontres importantes qui vont émailler toute son oeuvre ; les lieutenants et les capitaines, les amis journalistes, mais aussi les combats éprouvants et la captivité à l'issue de la bataille de Diên Biên Phu. L'homme qui rentre de la guerre après avoir accompli un tour du monde est la somme de tout cela. Il se forgera même un devoir de témoigner, se considérant comme un survivant qui a une dette à rembourser, et il n'aura de cesse tout au long de son oeuvre littéraire et cinématographique de partager les talents que la vie et son courage lui auront confiés. Onze années après la terrible défaite de Diên Biên Phu, La 317ème sectionarrive sur les écrans français.

    Au début des années 60, après une collaboration avec Joseph Kessel, après l'adaptation de deux romans de Pierre Loti, Schoendoerffer n'a pas encore pris son véritable envol et bien qu'ayant écrit son propre scénario, il ne trouve pas de financement pour son projet. Il se tourne donc vers l'écriture, et c'est accompagné d'un roman qu'il se présente de nouveau au public avec succès cette fois-ci car le livre reçoit un bon accueil, ce qui persuadera deux producteurs de se lancer dans l'aventure : Le Français Georges De Beauregard, grand pourvoyeur de la Nouvelle Vague, et l'Espagnol Benito Perojo qui est une figure importante du cinéma en Espagne. C'est à ce moment-là que Pierre Schoendoerffer va constituer un nouveau socle pour son oeuvre à venir, en instituant des collaborations aux allures de troupe, que ce soit avec Georges De Beauregard qui produira tous ses films, avec Raoul Coutard, l'ingénieur image, ancien de la guerre d'Indochine qui tournera beaucoup avec lui, ou avec les deux acteurs têtes d'affiche, Jacques Perrin et Bruno Cremer qu'il retrouvera tout au long de sa carrière. Il faut noter que dans le reste de l'équipe technique et pour les seconds rôles, plusieurs sont des vétérans ou travailleront sur d'autres projets de SchoendoerfferLa 317ème section est son quatrième film.



    Le film s'ouvre sur un plan de termites qui grouillent au sol, accompagné par une musique lancinante de Pierre Jansen. Ces termites, ce sont Torrens ou Willsdorf, ce sont les troupes Viet Minh courant chacun après un destin inexorablement broyé par l'histoire, c'est la description d'un savant travail de sape qui se joue et que rien ne pourra arrêter. L'entrée en scène des deux principaux acteurs est magistrale, en deux plans qui trouvent Torrens (Jacques Perrin) enfournant le drapeau français sous sa veste de treillis et Wilsdorf (Bruno Cremer) au garde-à-vous saluant les couleurs d'une main aussi large qu'un battoir, le tout sur fond de bruit de fusillades. Très vite, les rapports entre les deux hommes deviendront un des centres d'intérêt du scénario. Leurs parcours et leurs caractère si différents, que nous découvrons au détour des conversations au bivouac ou lors de leurs désaccords, signent sans doute deux archétypes de ce qui constituaient les effectifs engagés en Indochine. Un jeune Saint-Cyrien idéaliste d'un côté et un vétéran de la Seconde Guerre mondiale revenu de tout de l'autre, autant dire que ces deux personnages représentent des morceaux de choix pour Schoendoerffer qui les fera finalement se lier d'amitié.

    C'est dans ce credo que l'auteur s'exprime finalement à coeur ouvert. Il a une profonde empathie pour ces types, il les fait s'exprimer et dévoiler le fond de leur pensée. Même de façon abrupte ou maladroite, on touche du bout du doigt des bribes d'explications sur les raisons de leur engagement, de leur présence en Indochine. Willsdorf se voit bien acheter une paillote au bord de l'eau, se marier avec une Tonkinoise, il se sent bien dans ce pays. Ce ne sont pas des réflexions que l'on retrouvera dans les films américains qui traiteront de la guerre du Vietnam un peu plus tard. Il est à noter que Schoendoerffer est allé puiser dans ses racines familiales alsaciennes l'histoire de ce Willsdorf qui est un « malgré nous », ce qui contribue encore à souligner la complexité des situations croisées durant la guerre d'Indochine. L'élaboration du scénario de Pierre Schoendoerffer s'accompagne d'une volonté de réaliser une œuvre vierge de moralisme, pas de leçons, pas de messages. Il est intéressant de remarquer que cette méthode aboutit à une oeuvre « morale » parce qu'authentique.

    Torrens : « C'est dégueulasse. »
    Wilsdorf : « Qu'est-ce que ça veut dire dégueulasse ?! C'est la guerre, ils savent la faire les fumiers. Chapeau ! »


    Fort de son devoir de témoignage, notre réalisateur va avoir un maître-mot durant le tournage, un objectif qui sera sa priorité et qui va donner à La 317ème section son identité et fera aussi son succès et sa renommée : le réalisme. Il commencera par emmener « tout son petit monde » au Cambodge où l'une de ses anciennes relations, le roi Sihanouk lui-même, l'invite à tourner son film et met à sa disposition une section de militaires pour la figuration. Dans cette aventure, tout le monde va perdre des kilos car Schoendoerffermène son monde comme un capitaine de compagnie. C'est à ce prix que la quête de vérité trouvera un écho favorable selon lui. Schoendoerffer va faire reposer l'intérêt de son film sur sa structure même, puisque le narrateur va occuper la position d'un quarante sixième militaire faisant partie de la section : la caméra. Le spectateur n'en sait jamais plus que le lieutenant Torrens ou l'adjudant Willsdorf. Jamais ce quarante sixième protagoniste ne se transporte ailleurs qu'au coeur de l'action, et jamais la caméra ne se départ du point de vue ou de la vision d'un membre de la section. Ce sont les consignes de Schoendoerffer pour une réalisation au service du réalisme, sans mouvements de grue, avec une caméra à hauteur d'homme, mise à part pour l'introduction et la fin du film qui sont des images de jungle ou de rizières prises d'un hélicoptère et opérant comme un lever et un baisser de rideau. Autre grande qualité des images, elles sont toutes parfaitement intelligibles, on a une sensation de caméra à l'épaule au coeur de l'action mais jamais avec les images brouillonnes et illisibles que l'on semble devoir y accoler aujourd'hui. En complément, Raoul Coutard va gratifier son travail en tournant des images en noir et blanc absolument somptueuses, ponctuées de portraits qui mettent les âmes à nu. Le résultat est une part de véracité supplémentaire à l'expertise militaire de Schoendoerffer pour nous mener à des sensations proches du documentaire.

    La 317ème section est une preuve de ce que la Nouvelle Vague est beaucoup plus protéiforme que ce que nos habitudes de penser nous laissent imaginer. Le réalisme quasi-documentaire qui est l'objectif de Schoendoerffer ne vient pas d'une spontanéité du tournage, d'une prise sur le vif, mais d'une expérience vraie de l'homme de guerre rapportée avec précision, d'une grande rigueur des images et d'une écriture très stricte du scénario. Si la présence du producteur De Beauregard et du chef opérateur Coutard, l'époque du tournage, et l'authenticité du film ancrent celui-ci dans la Nouvelle Vague, la méthode employée en fait une antithèse du travail de Jean Rouch par exemple, pour citer un père fondateur lui aussi épris de cinéma documentaire.

    ANECDOTES

    Le film a reçu la Palme du meilleur scénario au Festival de Cannes en 1965, ex-aequo avec La Colline des hommes perdus de Sidney Lumet. Les derniers échanges entre le lieutenant Torrens et l'adjudant Wilsdorf sont un clin d'oeil au final d'A bout de souffle de Jean-Luc Godard, que réitérera Pierre Schoendoerfferdans son film suivant, Objectif 500 millions, en faisant passer le personnage de Bruno Cremer devant une affiche de Pierrot le fou. Bertrand Tavernier est cité au générique de La 317ème section en tant que chargé de presse. La 317ème section était et restera une référence y compris pour les réalisateurs américains, dont Francis Ford Coppola qui n'hésitera pas à rendre un hommage direct à Schoendoerfferdans son film Apocalypse Now Redux. Pour ce faire, il réutilisera l'anecdote métaphorique du blanc d'oeuf qui fiche le camp à travers les doigts pendant que le jaune reste coincé au creux de la main, et fera participer Aurore Clément (créditée au générique du Crabe Tambour) à quelques scènes longtemps restées inédites. En 2010, Pierre Schoendoerffer et Raoul Coutard ont tous deux supervisé une restauration du film sous le patronage de StudioCanal et de la Cinémathèque française.


    (dvdclassik.com)


     

    Coincée entre la Seconde Guerre Mondiale et la Guerre d’Algérie, la guerre d’Indochine fait figure de grande oubliée des guerres menées par la France au XXème siècle. Possession coloniale trop éloignée de la métropole, en comparaison des pays du Maghreb, le conflit ne passionne que peu, tant à l’époque qu’aujourd’hui. Les français, éprouvés par une guerre de 6 ans qui avait vu la moitié de leur territoire occupé, ne s’intéressaient pas à cette guerre qui leur semblait bien lointaine. Et pourtant, des hommes se sont battus et sont morts pour la France, à des milliers de kilomètres de leur patrie.

    Le réalisateur, Pierre Schoendoerffer, pendant le tournage du film

    C’est cette histoire trop souvent oubliée que nous vous proposons de découvrir aujourd’hui, au travers du film « La 317ème section ». Les films de guerre français ne sont pas légions, les bons encore moins, et ceux sur l’Indochine peuvent se compter sur les doigts d’une main. La 317ème section réunit tous ces critères. Sorti en 1956, le film de Pierre Schoendorffer est un vrai bon film de guerre. Engagé volontaire à 24 ans, prisonnier à Dien Bien Phu, Schoendoerffer sait de quoi il parle. Se disant éternellement lié à ses camarades de combat, la 317ème Section est pour lui un moyen de rendre hommage à ceux qui se sont battus en Indo et qui pour certains ne sont jamais revenus… Morts au combat, ou dans les camps Viet-Minh, parfois torturés par certains même de leurs « compatriotes », français communistes, notamment l’nfâme georges boudarel, commissaire politique pour le Viet-Minh et qui ne sera jamais inquiété par la justice à son retour en France. Cinéaste aux armées durant son engagement militaire, Schoendorffer tient à adapter lui-même son propre roman sorti en 1963.

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    L’adjudant Willsdorf (Bruno Cremer)

    Passons maintenant au scénario en lui même. 1954 : La guerre d’Indochine bat son plein. La 317ème section, composée de 41 supplétifs laotiens pour seulement 4 français est obligée d’évacuer le poste avancé qu’elle contrôle pour rallier Tsao-Tsai, située à plus de 100 kilomètres au sud. La section est commandée par le jeune sous lieutenant Torrens (Jacques Perrin), secondé par l’adjudant Willsdorf (Bruno Cremer), vétéran de la Seconde Guerre Mondiale. Dans une jungle hostile, encerclés de toute part par les viets, le voyage sera rude (c’est un euphémisme) pour les membres de la 317ème. Inutile de parler plus de l’histoire, nous laissons au lecteur le plaisir de découvrir les péripéties qui attendent les protagonistes. Nous dirons juste que c’est un film fort, qui donne un visage « humain » à la guerre, et une histoire d’amitié entre deux personnages que presque tout oppose.

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    Le sous-lieutenant Torrens (Jacques Perrin)

    Pourvu d’un petit budget, le film a été tourné au Cambodge dans des conditions très rudes. Schoendoerffer voulait que ses acteurs soient mis le plus possible dans l’état d’esprit des soldats de l’Indo. Et cela se ressent à merveille; écrasés par la chaleur étouffante de la jungle, par le stress permanent d’être pris pour cible par leurs ennemis, on suit avec fascination le calvaire de cette malheureuse unité. Cela donne au film un aspect très brut, à la limite du documentaire. Porté par des acteurs magistraux (Bruno Cremer, impérial), la 317ème section est sans contestation possible un des plus grands films de guerre français, si ce n’est le plus grand. Schoendoerffer recevra à ce titre le prix du meilleur scénario lors du festival de Cannes 1965, lointaine époque où des films ne parlant pas que de lesbiennes hystériques ou d’immigrés malheureux pouvaient encore être primés.

    Concernant Schoendoerffer, qui nous a quitté en 2012, on pourra s’intéresser aussi à « Dien Bien Phu » (1992), son deuxième film sur l’Indochine, mais également aux excellents « L’honneur d’un capitaine » (1982), et « Le crabe tambour » (1977). Pour aller plus loin sur la guerre d’Indochine, les nombreux ouvrages d’Erwann Bergot, spécialiste de la question, permettront aux curieux d’étudier en détail la question.

     

     

    Le film raconte l'histoire de la dramatique évacuation de la garnison d'un poste isolé, une section locale supplétive ravitaillée par voie aérienne, et de son pénible repli jusqu'à son anéantissement.

    Si le roman débute le 26 avril 1953, l'histoire du film débute le 4 mai 1954 et se finit à la bataille de Diên Biên Phu. Ce changement de datation donne l'impression d'un dramatique effondrement général dans cette longue marche où fondent les effectifs, ce qui n'est pas sans rappeler le thème de La Patrouille perdue. Tout un monde s'effondre, les populations les plus amicales ne savent plus que conseiller « Di vê mau lên » (« Partir vite ! »).

    Magnifique photo (noir et blanc très contrasté dans la jungle), Jacques Perrin et Bruno Cremer dans la beauté insolente de leur jeunesse.

    Impossible cependant de passer sous silence le navrant traitement des 'supplétifs' constamment interpellés ("Hé, regarde ça, Rombier !") qui sont rudoyés (coups de savates en guise de réveil, condescendance), qui font l'objet de soins différenciés lorsqu'ils sont blessés... Pour un cinéphile d'aujourd'hui, en 2017, c'est très choquant.

    Vu le 8 mai 2017 (diffusion France télévision, France 5) 

     

     

      

     

     


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