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    Maid

    Série : drame social (Etats-Unis), 10 épisodes de 47 à 60 min, 2021

    Création : Moly Smith Metzler, inspiré du récit de Stephanie Land : Maid : hard work, low pay, and a mother's will to survive 

    Musique : Chris Stracey, Este Haim

    Producteurs exécutifs : John Wells, Molly Smith Metzler, Margot Robbie, Tom Ackerley, Erin Jontow, Brett Hedblom, Stephanie Land

    Production : Colin McKenna, Terri Murphy Bonnie, R. Benwick

    Sociétés de production : John Wells Productions, LuckyChap Entertainment, Warner Bros. Television

    Diffusion : Netflix

    Avec... Margaret Qualley (Alex, une jeune mère qui quitte son compagnon violent), Nick Robinson (Sean, le compagnon d'Alex), Anika Noni Rose (Regina), Tracy Vilar (Yolanda, la patronne d'Alex à Value Maids), Billy Burke (Hank, le père d'Alex), Andie MacDowell (Paula, la mère d'Alex), Aimee Carrero (Danielle, compagne d'infortune d'Alex), Mozhan Marnò (Tara, l'avocate d'Alex)

     

    Synopsis 

    Alex Russell, une jeune maman d'une fillette de 2 ans, Maddy, quitte son compagnon et père de son enfant, parce qu'il est alcoolique et violent. Elle part de chez eux sans avoir d'argent, et sans aide de ses parents toxiques. Elle décide donc de devenir femme de ménage chez des riches particuliers pour pouvoir donner un toit et de la nourriture à sa fille.

     

    Dans la presse et au fil des blogs...

    “Maid”, sur Netflix, le combat touchant d’une jeune mère campée par Margaret Qualley

    Dans ce drame familial teinté d’humour, une jeune mère célibataire se démène pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa fille. Une chronique sociale un peu lisse mais touchante, dans laquelle la comédienne Margaret Qualley impressionne.

    Sur le sol froid et humide d’une gare maritime, Alex et sa fille, Maddy, 2 ans, passent une de leurs premières nuits sans domicile. Après des années de harcèlement psychologique, Alex a réussi à fuir son compagnon violent. À la rue, sans emploi et sans une famille stable sur qui compter, la jeune femme doit désormais remuer ciel et terre afin de rester à flot. Le plan se révèle sans conteste l’un des plus déchirants de Maid, série en dix épisodes, disponible sur Netflix.

    Très largement inspirée de l’ouvrage autobiographique de l’Américaine Stephanie Land Maid : Hard Work, Low Pay and a Mother's Will to Survive, la fiction s’attarde sur les mésaventures de la mère célibataire, entre les galères administratives et financières, une famille dysfonctionnelle et un travail de femme de ménage harassant. Molly Smith Metzler, scénariste des séries Orange is the New Black et Shameless, pilote cette chronique sociale déchirante, au ton décalé et ironique. Inégalement maîtrisé, le mélange tragi-comique pousse cependant parfois à regretter un style plus assumé, qui aurait pu s’orienter vers une fresque naturaliste résolument plus sombre ou choisir de livrer une satire autrement décalée.

    Intense Margaret Qualley

    Ce mélange des genres sied toutefois à Margaret Qualley (Alex) –, accompagnée notamment par sa mère à la ville comme à l’écran, Andie McDowell. Repérée dans The Leftovers, puis jeune membre de la secte de Manson dans Once upon a Time… in Hollywood, de Quentin Tarantino, Qualley justifie les espoirs que place en elle le cinéma américain indépendant depuis quelques années. La comédienne conserve en effet une intensité de jeu précieuse durant les dix épisodes, une gageure puisque, le récit se déroulant exclusivement de son point de vue, elle participe à la quasi-totalité des scènes. Accident de voiture, perte de la garde de sa fille, licenciement… Elle interprète Alex dans une suite interminable de difficultés, inévitables une fois l’engrenage de la précarité lancé.

    Cet enchaînement de situations plus dramatiques les unes que les autres aurait pu alourdir le propos de Maid. Or Molly Smith Metzler parvient à se servir de cette accumulation pour décrire avec pertinence les cycles de violences à la fois physiques, émotionnelles et institutionnelles qui submergent les femmes victimes de violences conjugales… et condamnent les plus démunies.
    (Céline Marchand-Ménard, Télérama)


    Dans la mini-série Maid sur Netflix, Margaret Qualley interprète une mère-courage devenue femme de ménage, après avoir fui son compagnon violent. L'actrice y livre une performance inoubliable.
    Pendant qu’elle met de l’essence dans sa voiture, l’héroïne Alex (Margaret Qualley) a la tête ailleurs. Les galères s’accumulent. L’agence qui l’emploie comme femme de ménage vient de se séparer d’elle. Sa mère bipolaire (Andie MacDowell) a fait une rechute. Et elle va devoir déménager, pour la énième fois en quelques semaines. Soudain, Alex panique : elle a pompé plus de carburant qu’elle n’a les moyens d’en payer. La jeune femme qui n’a jamais fait l’aumône n’a pas d’autre alternative que de quémander les trois dollars manquants. L’inconnue qu’elle interpelle lève à peine les yeux, le temps de remarquer les boucles chérubines de la fille d’Alex, dans le siège auto. Elle sort son porte-monnaie. La scène, à mi-chemin de la série Maid, est emblématique de la façon dont cette fiction inspirée des mémoires de Stephanie Land nous bouleverse autant qu’elle nous confronte à nos contradictions. Composée de dix épisodes d’une heure, cette sublime mini-série a rejoint, le 1er octobre, le riche catalogue de programmes de Netflix.

    Comment réagirions-nous si nous étions à la place d’Alex ? Pour elle, aucun sacrifice, aucune demande d’aide financière n’est insurmontable ou honteux, tant que cela permet de subvenir aux besoins de sa fille de trois ans. Maddy (Rylea Nevaeh Whittet) est sa raison de (sur)vivre.

    UNE SÉRIE QUI DÉMULTIPLIE NOTRE EMPATHIE

    (Alex) Margaret Qualley et sa fille Maddy (Rylea Nevaeh Whittet) dans Maid. // Source : Netflix

    Victime de violences domestiques qu’elle a du mal à nommer (menaces, manipulation), Alex a quitté son compagnon abusif Sean (Nick Robinson) dans une scène d’ouverture aussi terrifiante que celle de Sans un bruit. Dans ses bagages ? Un manteau chaud pour Maddy, son jouet fétiche acheté au dollar store, un cahier d’école encore vierge (Alex rêve de devenir écrivaine). Margaret Qualley, vue au cinéma dans Once Upon a Time in Hollywood et à la télé dans The Leftovers, crève l’écran dans cette fable à la fois banale et extraordinaire d’une mère-courage qui tombe dans la pauvreté, alors qu’elle était destinée à entrer à l’université.

    Son physique longiligne d’ancienne ballerine se prête à merveille à ce personnage qui n’est pas un roc, mais plutôt un arbre qui ploie sans se briser, tels les séquoias géants qui entourent le parc à caravanes de la région de Seattle d’où elle s’est échappée. Stoïque, Alex est pourtant en lutte perpétuelle pour compenser l’instabilité extrême de son quotidien et de son entourage. En plus de sa mère aux sautes d’humeur imprévisibles, elle cumule un père addict converti à l’évangélisme et des amis qui se sont tous ralliés à son ex. Elle est comme prisonnière d’un labyrinthe infernal : à peine a-t-elle trouvé une porte de sortie, qu’un autre obstacle surgit. Mais loin de s’étioler, l’empathie du spectateur est démultipliée à chaque nouvelle crise, grâce au talent de l’actrice qui s’érige au panthéon des plus prometteuses de sa génération.

    AIDE-TOI, LE CIEL T’AIDERA

    À partir de Maid : Le journal d’une mère célibataire (2019), l’écriture toute en finesse de la scénariste Molly Smith Metzler (Orange Is the New BlackCasual) déploie une galerie de personnages réalistes dans leurs imperfections. En artiste hippie incapable d’assumer ses responsabilités, Andie MacDowell est la soupape comique de la série : son amour est sincère, mais mal placé. Au sujet de Maddy, elle s’inquiète par exemple de savoir si « l’étincelle ancestrale » brille dans ses yeux. Même Sean, un barman alcoolique qui trimbale des casseroles familiales, est émouvant de vulnérabilité.

    Les maisons luxueuses qu’elle astique sont des lieux de rencontres improbables. La jeune femme qui, elle, dort dans un refuge, les surnomme selon les habitudes des propriétaires et consigne ses observations dans son bien le plus précieux : son journal. C’est là que la série devient politique : la showrunneuse utilise ces niveaux de vie ultra-contrastés pour pointer la double désillusion de l’American Dream. D’un côté, Alex travaille aussi dur qu’elle peut, mais ses revenus (salaires et aides) ne couvrent jamais la totalité de ses dépenses. De l’autre, ses clients privilégiés incarnent l’adage « la piscine ne fait pas le bonheur », surtout Regina (fabuleuse Anika Noni Rose).

    Des rencontres qui vont progressivement amener Alex à apprécier la solitude, non pas comme isolement subi, mais comme outil de développement personnel : pour prendre soin des autres, il faut d’abord prendre soin de soi. Peu à peu, ses perspectives d’avenir se déploient au-delà de l’heure du prochain goûter de Maddy.

    Andie MacDowell dans le rôle de la mère bipolaire d’Alex. // Source : Netflix

    UN RYTHME ENLEVÉ

    Les rares moments d’éclaircie ne tombent jamais dans la mièvrerie. Le parcours d’Alex reste aussi palpitant que The Walking Dead, grâce à une mise en scène savamment dosée. Drame, suspense, introspection, ironie et même une touche d’horreur poétique composent l’identité singulière de Maid. Nul besoin de rallonger une scène de procès : quand les dialogues sont remplacés par « légal, légal, légal », l’impuissance d’Alex est palpable. Les flashbacks qui ponctuent la narration contribuent aussi à donner de l’épaisseur à des personnages a priori opaques.

    Un réalisation toujours astucieuse — dans un moment de  découragement, l’héroïne est par exemple littéralement engloutie dans le canapé miteux de la caravane. Elle est signée d’un quatuor de femmes et d’un vétéran de la télévision américaine, John Wells. Ce dernier, ex-showrunner d’Urgences, n’a pas son pareil pour filmer l’accident de la route clôturant le pilote, et l’angoisse qui en découle. Le seul reproche que l’on pourrait faire à ce mélodrame solaire est de ne pas représenter la réalité des statistiques. Mais en racontant cette histoire par la lorgnette de son vécu, Stephanie Land parvient à sensibiliser sur des problématiques plus vastes. Maid va vous hanter, dans le bon sens du terme.

     

    Série coréenne étonnante : Squid game met en scène des gens très endettés qui adhèrent à une série de jeux éliminatoires (ceux qui sont pratiqués dans les cours d'école) afin de gagner une somme d'argent fabuleuse qui soulagera le quotidien nauséeux dans lequel ils sont englués. L'équipe initiale est constituée de volontaires issus de milieux très variés, et les immigrés (pakistanais, nord-coréens) ne sont pas oubliés, donnant un aperçu de la misère sociale en Corée du sud.  Ils s'engagent et découvrent les conditions réelles du défi au fil des jeux dont le règlement est suffisamment ambigu pour les entrainés dans une spirale de violence. Belle performance des acteurs, et force du script qui s'aventure sur des thèmes politiques et philosophiques puissants : liberté, démocratie, individualisme, entraide...

    Vu en septembre 2021 (Netflix)

     

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    Squid game
    Squid game

    Série : thriller (Corée du sud), 9 épisodes de 32 à 63 min (total : 485 min), 2021, titre original : 오징어게임 

    Création : Hwang Dong-hyuk

    Musique : Jung Jae-il

    Production :Siren Pictures Inc

    Production déléguée : David Kajganich et Lisa Muskat

    Sociétés de production : Rai Cinema, Frenesy Film Company, MeMo Films, RT Features, Faliro House Productions

    Sociétés de distribution : Rai Cinema, Frenesy Film Company, MeMo Films, RT Features et Faliro House Productions

    Avec... Lee Jung-jae : Seong Gi-hun (n°456), un chauffeur accro aux jeux d'argent, qui vit avec sa mère et a du mal à subvenir aux besoins financiers de sa fille ; Park Hae-soo : Cho Sang-woo (n°218), diplômé de l'Université nationale de Séoul et chef d'une équipe d'investissements, recherché pour avoir volé de l'argent à ses clients ; Yeong-Su oh : Oh Il-nam (n°001), un vieil homme atteint d'une tumeur au cerveau ; Jung Ho-yeon : Kang Sae-byeok (n°067), transfuge nord-coréenne qui tente de payer un courtier pour trouver et récupérer les membres de sa famille dans son pays ; Heo Sung-tae : Jang Deok-su (n°101), un gangster qui entre dans le Jeu pour régler ses énormes dettes de jeu ; Anupam Tripathi : Abdul Ali (n°199), un travailleur pakistanais qui entre dans le jeu pour subvenir aux besoins de sa jeune famille après que son employeur a refusé de le payer ; Kim Joo-ryoung : Han Mi-nyeo (n°212), une femme mystérieuse et manipulatrice qui prétend être une pauvre mère célibataire ; Raymond Lee : Sang-Hun

     

    Synopsis 

    Quatre cent cinquante-six personnes, qui ont toutes des difficultés financières dans la vie, sont invitées à prendre part à une mystérieuse compétition de survie. Participant à une série de jeux traditionnels pour enfants mais avec des rebondissements mortels, ils ont risqué leur vie pour concourir pour un prix de 45.6 milliards de won ₩ (32 millions d'euros €).

     

    Dans la presse et au fil des blogs...

    C’est une énorme révélation. Sans même avoir été annoncée parmi les nouveautés du mois de septembre, Squid Game s’est hissée tout en haut du classement des meilleures séries sur Netflix. Pour tout dire, actuellement numéro 1 plus de 75 pays, elle pourrait même devenir “la série la plus regardée de tous les temps” de la plateforme de streaming. C’est en tout cas ce qu’affirme le PDG de Netflix.

    Après avoir dévoré les neuf épisodes de la série, voici notre critique de Squid GameCette première partie est garantie sans spoiler !

    Jusqu’où iriez-vous pour 32,9 millions d’euros ?

    C’est la question que pose Squid Game. En effet, des personnes désargentées (c’est peu dire !) sont contactées par une étrange organisation qui leur propose de jouer en échange d’une seconde chance… Une opportunité rêvée pour ces personnes endettées jusqu’au cou, souvent en marge de la société.

    Les participants doivent alors prendre part à divers jeux pour enfants, bien plus dangereux qu’ils n’y paraissent. Perdre peut leur être fatal mais la récompense est de taille : 45,6 milliards de won, ce qui représente environ 32,9 millions d’euros. Une somme étourdissante qui va remettre en question les valeurs de bon nombre des joueurs.

    À mi-chemin entre les séries Alice in Borderland et Black Mirror et le film Battle Royale selon Netflix, Squid Game est une série sud-coréenne écrite et réalisée par Hwang Dong-hyeok. Composé de neuf épisodes d’environ 50 minutes chacun, ce kdrama a conquis un grand nombre de spectateurs partout dans le monde. Être numéro 1 des séries du moment sur la plateforme de streaming Netflix, c’est une première pour une production coréenne.

    Squid Game nous plonge ainsi dans un véritable enfer sur Terre, quand les valeurs n’ont plus lieu d’être tant le désespoir et l’appât du gain sont intenses. Et finalement, tout au long de cette série, on se demande : “Qu’aurais-je fait si j’avais été à leur place ?' 

    Le jeu du calamar ?

    Le titre de la série fait référence à un jeu pour enfants populaire dans la Corée des années 70 appelé “le jeu du calamar”. Le réalisateur lui-même y jouait dans son enfance. C’est donc normal que chez nous, ça ne nous ait pas vraiment dit grand-chose. Mais Squid Game s’empresse de nous en apprendre plus sur ce jeu coréen dès les premières minutes de la série.

    Pour faire simple, on dessine des formes géométriques au sol : rond, triangle, carré. Elles représentent un calamar. On se sépare alors en deux équipes, les attaquants et les défenseurs. Les attaquants doivent rejoindre la “tête du calamar” tandis que les défenseurs doivent les pousser en dehors des formes géométriques. Grosso modo.

    Un univers effrayant et dérangeant

    Malgré un univers sombre, les décors de Squid Game sont très colorés et ce contraste nous met vraiment mal à l’aise. Quelque chose cloche. Tout est trop propre, trop parfait, trop carré. L’esthétique de la série est incroyable tant la symétrie parfaite nous angoisse et nous dérange. C’est “trop beau”.

    L’organisation mystérieuse qui gère ces jeux est trop bien orchestrée, ce qui crée un malaise dès les premiers instants. Mais ce n’est que le début et nous sommes loin d’être au bout de nos peines. Si de nombreuses séries n’hésitent pas à nous montrer de l’hémoglobine à tout va, la violence de Squid Game est surprenante et terrifiante.

    En fait, dès l’annonce des règles et du principe, on comprend plus ou moins ce qui va se passer. Nous ne sommes pas nés de la dernière pluie alors on imagine bien que l’organisation ne donnera pas des millions d’euros en échange d’une simple participation à des jeux pour enfants inoffensifs. N’empêche que la manière dont l’envers du décor est présenté aux joueurs est sincèrement choquant.

    Extrait de Squid Game sur Netflix

    Squid Game © Netflix

    Le premier épisode de Squid Game suffit à poser les bases et à lancer la machine infernale. En seulement une heure, on est à fond et on a besoin d’en savoir plus. Alors on n’a pas d’autre choix que d’enchaîner les neuf épisodes.

    Ne sous-estimez pas les jeux pour enfants

    Eh oui, on vous promet qu’après Squid Game, vous ne verrez plus le jeu Un, deux, trois, soleil de la même manière. Des six jeux présentés dans la série, c’est peut-être le plus terrifiant. Tout d’abord parce que c’est le premier et donc le plus surprenant mais aussi parce que la poupée est absolument glauque.

    Globalement, l’atmosphère de Squid Game est extrêmement pesante. Et pour l’accompagner comme il se doit, la bande-son l’est tout autant. Frissons garantis… Entre musiques pour enfants revisitées et percussions angoissantes, les artistes Jung Jae-il et 23 ont fait fort pour décupler le mal-être.

    Comme on le disait, ce sentiment d’angoisse est renforcé par des visuels très lisses, qui nous marquent. Le contraste dérange. Aussi, les organisateurs sont vêtus de leur plus belle combinaison rouge (bonjour La Casa de Papel !) et d’un masque. La forme géométrique dessus dépend de leur rôle.

    Extrait de Squid Game sur Netflix

    Squid Game © Netflix

    Les ronds sont en bas de l’échelle, ce sont les travailleurs, les ouvriers. Les triangles sont les soldats, armés chacun d’une mitraillette dissuasive. Quant aux carrés, ce sont les managers. Ils sont tous supervisés par l’Agent, portant un masque différent et tout aussi perturbant, lui aussi à la botte d’un énième chef énigmatique. Une jolie fourmilière, en somme.

    Tout est donc orchestré et millimétré à la perfection. Dans Squid Game, rien n’est laissé au hasard. Et c’est peut-être ça le pire.

    ATTENTION : LE RESTE DE L’ARTICLE CONTIENT DE NOMBREUX SPOILERS DE SQUID GAME. SI VOUS N’AVEZ PAS VU / FINI LA SÉRIE, NE LISEZ PAS LA SUITE !

    Qu’auriez-vous fait si vous étiez à leur place ?

    À l’instar de Parasite, autre fiction coréenne qui a connu un énorme succès à l’international, Squid Game est une satire sociale. En effet, alors que les joueurs ont pris la décision de rentrer chez eux et d’arrêter le massacre lors du deuxième épisode, la majorité choisit de revenir. De son plein gré. En effet, pour la plupart, la vie dehors est tout aussi cruelle envers eux. Alors autant essayer de repartir avec 32,9 millions d’euros. Non ?

    Squid Game met ainsi à l’épreuve les valeurs et l’éthique des participants ou, au contraire, met en lumière l’égoïsme des autres. Très vite, on comprend que naïveté et gentillesse ne font pas vraiment parties des ingrédients de la recette pour gagner ici.

    Et si devant notre écran, on s’offusque de comportements des joueurs, rien ne nous dit qu’à leur place, entre la vie et la mort, nous n’aurions pas réagi de la même manière. On pense notamment au personnage de Cho Sang-woo (le n°218) qui, aussi détestable peut-il se montrer, peut être compris à d’autres moments. Vous n’auriez sincèrement pas poussé le vieux dans le cinquième jeu, sous l’emprise de la peur de mourir ?

    Un seul défaut : une histoire parallèle inutile

    À côté de l’intrigue principale, on suit un jeune policier coréen à la recherche de son frère disparu. Il réussit à infiltrer l’organisation sans faire trop de vagues… jusqu’à un certain point. Si le potentiel de cette histoire annexe est indéniable, on tombe dans l’inutilité, et donc la déception, dans les derniers épisodes de la série. 

    Si dès le cinquième épisode, on comprend que le frère n’est pas mort pendant les jeux comme on l’imaginait jusqu’à présent, on ne comprend toujours pas l’intérêt de cette intrigue parallèle. En effet, elle n’apporte finalement pas grand-chose -pour le moment du moins- au reste de la série. Aucun nouvel élément ni aucune réponse. Le néant. Et c’est dommage au regard de son potentiel. Bref, “tout ça pour ça”.

    Squid Game : une série qui nous donne la chair de poulpe

    Malgré cette légère faiblesse, dépêchez-vous de découvrir Squid Game si ce n’est pas déjà fait ! Cette série sud-coréenne vaut clairement le détour. Sans exagérer, c’est, pour nous, la révélation de cette rentrée tant les neuf épisodes nous ont tenu en haleine du début à la fin. On a tremblé avec les participants, on s’est offusqués avec et pour eux, on a lâché quelques larmes pendant l’épisode 6 et on s’est énormément interrogé devant l’ultime épisode.

    Maintenant, reste à savoir si ce phénomène aura droit à une saison 2 sur la plateforme de streaming américaine. Mais au regard du succès international sans conteste de Squid Game et la tournure du dernier épisode, il y a des grandes chances pour que le n°456 reparte pour un tour de manège…

    Manon Carpentier (Presse-citron.net)

    Série coréenne étonnante : Squid game met en scène des gens très endettés qui adhèrent à une série de jeux éliminatoires (ceux qui sont pratiqués dans les cours d'école) afin de gagner une somme d'argent fabuleuse qui soulagera le quotidien nauséeux dans lequel ils sont englués. L'équipe initiale est constituée de volontaires issus de milieux très variés, et les immigrés (pakistanais, nord-coréens) ne sont pas oubliés, donnant un aperçu de la misère sociale en Corée du sud.  Ils s'engagent et découvrent les conditions réelles du défi au fil des jeux dont le règlement est suffisamment ambigu pour les entrainés dans une spirale de violence. Belle performance des acteurs, et force du script qui s'aventure sur des thèmes politiques et philosophiques puissants : liberté, démocratie, individualisme, entraide...

    Vu en septembre 2021 (Netflix)

     

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    Beckett
    Beckett

    film : thriller (Italie, Brésil), titre original : "Born to be murdered", 108 min, 2021

    Réalisation: Ferdinando Cito Filomarino

    Scénario : Ferdinando Cito Filomarino Kevin A. Rice

    Décors : Eliott Hostetter

    Costumes : Giulia Piersanti

    Photographie : Sayombhu Mukdeeprom

    Montage : Walter Fasano

    Musique : Ryūichi Sakamoto

    Production : Luca Guadagnino, Francesco Melzi d'Eril, Marco Morabito, Gabriele Moratti et Rodrigo Teixeira

    Production déléguée : David Kajganich et Lisa Muskat

    Sociétés de production : Rai Cinema, Frenesy Film Company, MeMo Films, RT Features, Faliro House Productions

    Sociétés de distribution : Rai Cinema, Frenesy Film Company, MeMo Films, RT Features et Faliro House Productions

    Avec... John David Washington (Beckett), Alicia Vikander (April), Boyd Holbrook (Tynan), Vicky Krieps (Lena), Daphne Alexander : Thalia Symons, Yorgos Pirpassopoulos (Karas), Lena Kitsopoulou, Panos Koronis  (un policier), Isabelle Magara (l'infirmière du village), Marc Marder (l'officier Majessey)

     

    Synopsis 

    Quand un accident tragique le précipite dans un complot politique, un touriste américain en vacances en Grèce se lance dans une fuite désespérée pour sauver sa peau.

     

    Dans la presse et au fil des blogs...

    Derrière son scénario épuré, le film de Ferdinando Cito Filomarino rend brillamment hommage au cinéma d’action américain des années 1970 à forte tendance paranoïaque. Par sa belle singularité, “Beckett” offre une rime riche à “Tenet”, de Christopher Nolan.

    Un film d’action dopé à la nostalgie du cinéma des années 1970, c’est la formule intéressante qu’apporte à Netflix l’inattendu duo italien de Beckett. Derrière la caméra, Ferdinando Cito Filomarino, 34 ans, signe sa seconde réalisation, après Antonia (2015), resté inédit. Son producteur et ex-partenaire à la ville, Luca Guadagnino, est plus connu : il a notamment signé Call Me By Your Name (2017) et Suspiria (2018) et s’est signalé par son travail sur une esthétique volontiers rétro-pop, comme par son utilisation inspirée des décors, même lorsqu’ils sont naturels – chaque coin de rue, chaque maison comptait dans la Lombardie de Call Me By Your Name, aussi essentielle au film que l’île de Pantelleria dans le précédent A Bigger Splash (2015). Pour Beckett, Luca Guadagnino a fait appel à son talentueux chef opérateur, le Thaïlandais Sayombhu Mukdeeprom, qui fut lancé par Apichatpong Weerasethakul. Le résultat, subtil, est une image dont l’absence de style marqué est un style à part entière, qui cite directement le réalisme brut associé à ce cinéma d’action américain des années 1970, dont Beckett retrouve le plaisir.

    Caché derrière les collaborateurs marquants et les références de poids, le réalisateur Ferdinando Cito Filomarino n’a non seulement pas peur de la dépersonnalisation mais il en fait son sujet en mettant en scène un homme dont on ne sait rien, précipité dans une histoire à laquelle il ne comprend rien. Incarné par le formidable John David Washington, le dénommé Beckett n’est qu’un simple touriste noir américain qui vit une romance charmante et banale, les yeux dans les yeux avec sa jolie girl friend (Alicia Wikander), dans un pays de vacances, la Grèce. Jusqu’à cet accident au cours duquel la voiture du couple traverse les murs d’une maison où Beckett a la vision fugace et baroque d’un enfant roux qui l’appelle à l’aide… À partir de là, c’est lui que la police, avec un acharnement aveugle, voudra tuer. Sans une explication.

    Tragédie grecque

    Ce scénario épuré permet de recréer le climat du cinéma américain paranoïaque dont Les Trois Jours du Condor de Sydney Pollack reste l’indépassable modèle, depuis 1975. Ferdinando Cito Filomarino cite également À cause d’un assassinat (1974) d’Alan J. Pakula, dont les enjeux politiques trouvent des échos dans la Grèce de 2015, celle des soubresauts de la crise de la dette publique, qui a été choisie pour son instabilité, une menace de chaos habilement mêlée à celle qui chamboule la vie du personnage. Cet homme auquel rien ne nous rattache est rendu pourtant attachant par John David Washington, qui a pris quelques kilos de trop pour devenir Beckett et, comme celui-ci, ne semble jamais avoir les qualités physiques requises pour affronter les situations où il se trouve jeté. Ainsi, cette cascade à la Batman dans laquelle il s’engage en ayant l’air de se préparer à mourir. Ce qui donne, au passage, peut-être la seule clé autorisant une lecture de cet anti-héros : Beckett serait un spectre, quelqu’un qui aurait dû mourir et qui, par erreur, se débat encore avec les vivants, pour un enfant kidnappé dont il a seulement croisé le regard et qui l’aurait, en quelque sorte, envoûté…

    Bizarrerie omniprésente

     

    Réalisé avec tempérament mais aussi avec la légèreté qui devait présider à la mise en boîte d’un film de genre dans les années 1970, Beckett séduit par une étrangeté omniprésente. Même dans certaines scènes plus faibles que d’autres, une vraie bizarrerie passe. Comme un sentiment de flottement et de vide qui tiendrait lieu de principale réponse aux mystères de l’intrigue. À cause de cette manière séduisante de tordre les codes simples du cinéma d’action, à cause de John David Washington et du titre Beckett, on pense forcément un peu à Tenet. Mais Ferdinando Cito Filomarino a lui-même précisé qu’il était déjà en tournage au moment où Christopher Nolan n’en était, lui, qu’à faire le casting de son film. Reste que Netflix a sans doute voulu trouver une rime en remplaçant par Beckett le premier titre retenu, Born to Be Murdered (« né pour être assassiné »). Un choix qui a l’avantage de mettre le public sur la bonne piste, celle d’une chasse à l’homme pas conventionnelle et flirtant même avec une précieuse absurdité, presque à la Samuel Beckett.

    Frédéric Strauss (Télérama)

     


     

    Présentée comme une course à la vérité haletante dans une Grèce rongée par une conspiration de grande envergure, Beckett est finalement bien moins ambitieuse que ce que laissait présager la promotion faite par Netflix. En revanche, le film porté par John David Washington et Alicia Vikander parvient à offrir quelques bouffées d'air frais bienvenues au genre ultra-codifié du film de complot.

    COM-PLOT-TWIST
    Le pompon pour un film de complot, c'est quand même de rater son complot. Les possibilités sont vastes et on peut vite se perdre. D'abord en faisant des poupées russes de conspirations où tout le monde trahit tout le monde à commencer par le scénariste. Puis en dressant une conspiration si vastement absurde que les reptiliens adeptes de Raptor Jesus passent pour une excellente option... Chez Beckett, point de tout cela. C'est par imprécision et non par excès de détails que le film pêche. La quantité d'information est raisonnable, mais les contours sont trop flous pour y voir clair.
    Les bad guys sont d'abord un groupe d'extrême droite infiltré dans les forces de police, puis un groupe d'extrême gauche pour enfin conclure sur le fait qu'il s'agit d'une simple histoire mafieuse. Le gouvernement américain y est impliqué, mais pas vraiment, enfin si, mais... bref, le film semble chercher à jouer avec nos attentes et les faux-semblants. Sauf qu'il finit par s'embourber dans le sillage qu'il a lui-même tracé. On ne comprend jamais les ramifications d'une conspiration qui semble remonter loin, mais qui restera "Secret défense" aux yeux des spectateurs comme le répète ad-nauseam le personnage de Boyd Holbrook.

    Photo, Boyd Holbrook"Je vous ai dit que j'étais méchant ?"

     

    Idem pour les incarnations physiques de cette menace tentaculaire. Les bad guys installés au début (dont un clone grec de Robert De Niro) disparaissent à la moitié du film pour sortir de nulle part juste à la conclusion. L'objectif étant sans doute de laisser la place au personnage de Boyd Holbrook incarnant le versant gouvernement américain de ce complot. Mais ici aussi, malgré tout le charisme de son interprète, on a du mal à dépasser le sentiment poli d'ennui face à une menace qui semble se limiter à trois pleupleus quand on nous vend un complot d'ampleur internationale

    En faisant reposer son film sur des antagonistes aussi bancales, le film ne parvient jamais à susciter un sentiment d'urgence profond créant l'illusion que le protagoniste principal pourrait disparaître au moindre faux pas. La tension remonte au détour de certaines séquences, mais l'ensemble laisse plus l'impression d'un diaporama de vacances ponctuées de quelques éclats de violence bienvenue. Sans doute Ferdinando Cito Filomarino voulait-il nous faire ressentir un complot à hauteur de simple citoyen égaré dans un pays inconnu, mais il parvient surtout à nous donner le sentiment d'être un touriste dans son propre long-métrage. Une impression qui rejaillit jusqu'à la mise en scène de Beckett.

     

    Photo, John David Washington"Il va par où le scénario déjà ?

     

    PLATISTE DE LA RÉALISATION

    Les scènes de confrontation entre notre protagoniste et les responsables du complot sont symptomatiques des limites, mais également des qualités de la mise en scène de Filomarino. Le long-métrage en compte moins de cinq, dont la qualité et l'intensité montent crescendo. Les premières sont les plus poussives, notamment la scène du train semblant être montée sciemment pour en désamorcer toute violence et toute tension. Mais Filomarino évite le piège de la Shaky Cam façon Jason Bourne en proposant un découpage de plus en plus précis. Le summum est atteint avec la dernière scène de confrontation entre notre protagoniste et les deux antagonistes fantômes. Filomarino parvient à organiser un ballet confus, à l'image de l'état de notre héros, mais toujours lisible en termes de mise en scène. La tension monte enfin, soulignée par l'excellente musique composée par Ryuchi Sakamoto (Furyo, le vrai Snake Eyes, The Revenant) et on aurait presque peur pour la vie d'un John David Washington haletant loin de la douce léthargie des confrontations précédentes.

     

    Photo, John David WashingtonSpectateur médusé devant les scènes d'action

     

    En fait, Filomarino ne conforme jamais sa caméra aux codes habituels des films de complot. Il ne cherche pas à nous resservir du Sydney Pollack, Alfred Hitchcock ou du Alan J. Pakula passé au micro-ondes. Ex-compagnon et réalisateur de seconde équipe de Luca Guadagnino sur Call Me by Your Name, A Bigger Splash et Suspiria, Filomarino semble presque chercher à annuler la tension de son récit pour mieux contempler son héros dériver. Au lieu de nous emporter dans une fuite trépidante et rythmée, Filomarino préfère poser sa caméra. On pourrait arguer que l'Italien ne sait juste pas filmer de manière nerveuse, et qu'il n'était pas le candidat idéal pour mener ce récit tambour battant. Au contraire, sa réalisation apporte justement une touche rafraîchissante en proposant un rythme plus calme, plus apaisé comme si le séjour romantique d'Alicia Vikander et John David Washington en Grèce avait contaminé l'entièreté du film.  

    Photo, John David Washington, Alicia VikanderLa Mémoire (de vacances) dans la peau 
     
    À LA GRÂCE DE LA GRÈCE
    En arrachant son personnage principal à la dictature de l'échappatoire permanente, Filomarino parvient à mieux l'ancrer dans le paysage grec. Rarement vue au cinéma, le film nous offre une Grèce dépouillée, d'abord boisée et minérale pleine de petits villages puis sa capitale, gangue de béton ultra étalée. Accordé au rythmece choix donne au film un côté balade champêtre / road movie pas désagréable. Idem pour la question du complot, qui s'ancre parfaitement dans la réalité du pays.Le groupe d'extrême droite Soleil Levant qui aurait kidnappé le neveu de l'homme politique Karras est une vraie organisation politique. Ce dernier rappelle d'ailleurs étrangement Alexis Tsipras, de par son discours sur la dette et l'Union européenne. L'atmosphère des manifestations est également bien reconstituée même si, encore une fois, on peut en déplorer l'absence de nervosité. Surtoutl'implication des États-Unis dans un tel complot pour faire tomber un homme politique de gauche a des relents de Guerre froide très réalistes.  

    photo, John David Washington  
    Ironiquement, le dénouement du film dévoile le vrai sujet de fond qui aura été aussi absent du long-métrage que nos bad guys principaux : le deuil et la fuite face à ce dernier, à la fois littérale et figurée. Le personnage de John David Washington est en fait rongé par la culpabilité suite à la mort de sa femme, et c'est en cherchant à revoir une dernière fois son corps qu'il plongera tête baissée dans la machine infernale du complot. Sa quête de vérité n'est en fait qu'un écran entre lui et ses remords, et même s'il remporte une victoire sur le complot, c'est pour mieux revenir à sa propre douleur.
    Une idée excellente qui aurait pu conférer une puissante charge métaphorique à Beckett, mais finit par tomber à plat en ne revenant que sporadiquement à l'écran. Un résultat décevant quand on voit l'attachement que parvient à susciter en Filomarino envers le couple Alicia Vikander-John David Washington en peu de scènes.
    L'acteur de Tenet est d'ailleurs l'un des principaux atouts du film, immédiatement crédible en touriste égaré dans un pays et une affaire qui le dépasse, et idem pour Vikander. La pauvre Vicky Krieps se retrouve sacrifiée par le scénario malgré un joli rôle et Boyd Holbrook est définitivement fait pour incarner des méchants délicieusement détestables.

    Raphaël Iggui (ecranlarge.com)

    Un touriste américain dont les douces vacances en Grèce avec sa compagne tourne à la catastrophe : ce serait un film anodin s'il ne nous offrait pas une vision très originale et authentique de la Grèce des campagnes puis d'Athènes finalement bien loin des images stéréopypées. La réalisation est parfois un peu maladroite, tâtonnante, mais cela n'enlève rien à l'intérêt suscité de bout en bout par cette histoire qui filme la détresse d'un homme en terre étrangère.

    Vu en août 2021 (Netflix)

     

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    Invasion Los Angeles
    Invasion Los Angeles

    film : science-fiction (Etats-Unis), titre original : They live, 90 min, 1988

    Réalisation: John Carpenter

    Scénario :John Carpenter (sous le pseudonyme Frank Armitage) d'après la nouvelle Les fascinateurs (Eight o'clock i the morning) de Ray Fararday Nelson)

    Décors : Marvin March

    Photographie : Gay B. Kibbe

    Montage : Gib Jaffe et Frank E. JImenez

    Musique : John Carpenter et Alan Howarth

    Production : Larry J. franco

    Sociétés de production : Larry Franco productions et ALive films

    Sociétés de distribution : Universal pictures (Etats-Unis), Studiocanal (France)

    Avec... Roddy Piper : John Nada, Keith David : Frank Armitage, Meg Foster : Holly Thompson, George Buck Flower : un SDF, Peter Jason : Gilbert, Raymond St. Jacques : le prêcheur de rue, Sy Richardson : le révolutionnaire noir, Susan Blanchard : l'ingénue à la réunion secrète, Norman Alden : le contremaître, Larry Franco : un voisin, Matt McColm : un policier (non crédité), Tommy Morrison : Dave, un résistant (non crédité), John Carpenter : la voix qui dit « Dormez » (non crédité)

     

    Synopsis 

    John Nada parcourt les routes à la recherche d'un emploi comme ouvrier sur les chantiers. Embauché à Los Angeles, il fait la connaissance de Frank Armitage qui lui propose de venir loger dans son bidonville. John va y découvrir une paire de lunettes de soleil hors du commun. Celles-ci permettent de voir le monde tel qu'il est réellement, à savoir gouverné par des extraterrestres à l'apparence humaine et maintenant la population dans un état apathique au moyen d'une propagande subliminale omniprésente. Après avoir tué à l'arme à feu quelques extra-terrestres, il s'efforce de convaincre Frank de la réalité de cette invasion. Tous deux entrent ensuite en contact avec un groupe de rebelles organisés et décidés à éradiquer les envahisseurs.

     

    Dans la presse et au fil des blogs...

    Signant le scénario sous le pseudonyme de Frank Armitage, John Carpenter adapte une nouvelle écrite en 1963 par le romancier beatnik Ray Faraday Nelson, en la transposant dans l’Amérique ultralibérale des années Reagan. Sous l’apparence d’un thriller de science-fiction paranoïaque, il orchestre un violent réquisitoire contre les yuppies, qui, en costume-cravate, règnent sans partage sur la finance et l’économie des États-Unis, à l’instar de ces aliens qui exploitent en parasites les ressources humaines et matérielles du pays. Décrivant une société cauchemardesque et transformée en État totalitaire, avec ses résistants et ses collabos, Invasion Los Angeles est le film d’un homme en colère. Du vrai cinéma prolétaire et libertaire.

    Arte TV


     

    Dans ce deuxième film tourné sous contrat avec Alive Film (après Prince des Ténèbres), Carpenter se met en tête d’exprimer sa pensée profonde à propos de la manière dont son pays est dirigé (nous sommes en 1988), et donc de choisir comme (anti)-héros, un gars venu de nulle part qui s’appelle John Nada (un clin d’oeil à l’Homme sans nom, personnage hantant nombre de westerns, si cher au réalisateur).
    © 1988 Universal Pictures. Tous droits réservés.
    Dès les premières images, le thème musical de Carpenter donne le ton.
    Nous voyons Nada apparaître sur une voie ferrée, et le suivons tandis qu’il traverse la Cité des Anges avec son sac à dos ; il passe des beaux quartiers (la société consumériste) au bidonville de Justiceville, où vivent les laissés-pour-compte ayant encore une vision réaliste de la vie. Il trouve malgré tout un emploi précaire dans le bâtiment (seule corporation ayant besoin de gens non-qualifiés) et y fera la connaissance de Franck.
    Nada voit une émission pirate sur le câble, dont le sujet est : "Eux qui décident pour tout le monde, eux qui uniformisent les pensées…" Et une étrange activité dans une ancienne église. Intrigué, il s’y rend et découvre que les chants perçus depuis l’extérieur ne sont qu’un enregistrement, et que des individus complotent quelque chose. Des verres solaires y sont également fabriqués… Le message diffusé illégalement semble nous renvoyer aux heures sombres de la Seconde Guerre mondiale et aux résistants et ce, appuyé par une réplique lorsque Nada ramène un adolescent dans un squat, et qu’un des occupants de lui dire négligemment : « c’est la troisième guerre mondiale, ou quoi ? »
    Nada commence à comprendre que rien ne paraît tourner rond dans ce monde qu’il croyait connaître… La scène du déploiement de police dans le bidonville insiste un peu plus sur un certain fascisme latent, à savoir le nettoyage par le vide .
    Puis il trouve ce fameux carton, rempli de lunettes solaires. Il en chausse une paire, et là l’image passe au N&B comme pour nous indiquer que la réalité sans fard se dévoile. Nada ne comprend rien à ce qui lui arrive, il lève les yeux sur une affiche grand format et s’y détache seulement sur fond blanc, le mot : obéis. Surpris, il les ôte et ne voit qu’une publicité quelconque. Lorsqu’il les remet c’est la même litanie sur tout ce qui l’entoure : affichage, couverture de magazines et pancartes dictent la même conduite à tenir : obéis, reste endormi, subis, consomme… De l’imagerie subliminale poussée à l’extrême.
    JPEG© 1988 Universal Pictures. Tous droits réservés.
    Mais notre homme n’est pas au bout de ses surprises ! En effet, il s’aperçoit avec horreur que l’homme qui est à côté de lui n’a que peu de rapport avec un être humain : écorché vif avec de gros yeux argentés… « Ils » se cachent donc parmi nous et tentent de nous donner le change.
    S’ensuit une scène où Nada se brouille avec une vieille dame (un envahisseur,en fait) et celle-ci de dire dans sa montre-émetteur : « en voilà un qui voit » (traduction : en voilà un qui pense par lui-même). Tout l’enjeu pour Nada sera d’ouvrir les yeux à ceux qui en sont encore capables. Et il se rendra compte que ce n’est pas chose aisée. Au cours d’une bagarre homérique, il essaiera de convaincre son ami Franck Armitage du danger. A noter que Franck Armitage est le pseudo qu’utilisa Carpenter pour signer le scénario .
    © 1988 Universal Pictures. Tous droits réservés.
    Comme souvent chez Carpenter, pas de happy end et il se fait plaisir encore une fois (après le final fuck de New York 1997/Escape from New York en 1981 et celui postérieur de Los Angeles 2013/Escape from L.A en 1996), lorsque Nada détruit le transmetteur et que les E.T apparaissent sous leurs vraies formes, à la T.V et dans le lit d’une femme, mais surtout lorsque un flic tire sur lui depuis un hélicoptère : nous voyons Nada tendre le majeur, un sourire ironique aux lèvres.
    Carpenter a beau dire qu’il n’a réalisé ici qu’un film d’action (ce que corrobore la bande-annonce axée sur les fusillades et explosions), il s’agit pourtant bien encore d’une satire sociale, dont notre Jean Charpentier se fait le chantre !
    Gardez l’œil aux aguets, car peut-être sont-’Ils" déjà parmi nous !


    © 1988 Universal Pictures. Tous droits réservés.

    Romain Blondeau (avoir-alire.com)

     

    Vu en juin 2021 (Arte TV)

     

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  • Yao

     

    Yao
    Yao

    film : comédie dramatique (France, Sénégal), 103 min, 2019

    Réalisation: Philippe Godeau

    Scénario : Kossi Effoui, Philippe Godeau, Agnès de Sacy

    Photographie : Jean-Marc Fabre

    Montage : Hervé de Luze

    Musique : Matthieu  chedid

    Production : Philippe Godeau et Omar Sy

    Coproducteur : Jean-Yves Asselin

    Sociétés de production : Pan Européenne Production et Korokoro ; France 2 Cinéma (coproduction)

    Société de distribution : Pathé (France) et Les Films 26 (Sénégal) ; Cinéart (Belgique), Filmcoopi (Suisse romande)

    Avec... Omar Sy : Seydou Tall, la vedette française, Lionel Basse : Yao, le garçon, Fatoumata Diawara : Gloria, la chanteuse, Germaine Acogny : Tanam, la chamane, Alibeta : le chauffeur de taxi, Gwendolyn Gourvenec : Laurence Tall, l'ex de Seydou, Aristote Laios : Nathan, Maxime d'Aboville : l'imprésario de Seydou au Sénégal

     

    Synopsis 

    À l'occasion d'un retour dans le pays de ses ancêtres pour la promotion de son livre, Seydou Tall, une vedette française d'origine sénégalaise, va s'attacher à un jeune garçon, Yao, ayant parcouru seul plus de 387 kilomètres pour obtenir de lui un simple autographe. C'est alors le début d'une plongée au cœur du pays, en forme de road movie.
    Seydou va accompagner le petit Yao jusqu'à son village, Kalaga. Il va aussi faire la rencontre de multiples figures du Sénégal et d'une femme, Gloria, avec laquelle il semble s'évader.

     

    Dans la presse et au fil des blogs...

    Jolie petite histoire, se dit-on d’abord, en voyant l’acteur et écrivain Seydou Tall (Omar Sy) partir au Sénégal sans son fils, où un gamin, qui l’admire, l’attend en espérant un autographe. Venu jusqu’à Dakar depuis son village, le petit Yao verra sa persévérance récompensée. Et le grand Seydou Tall, né en France dans une famille sénégalaise, retrouvera un peu les siens à travers ce jeune fan dont il pourrait être le père. Mais rien ne sera vraiment aussi simple…

    Entre l’homme et l’enfant surgit une réalité capable de faire dérailler toutes les histoires écrites d’avance. À Dakar, l’acteur vedette se retrouve coincé dans sa limousine, au milieu des hommes qui prient dans les rues. Plus tard, son taxi l’abandonne pour respecter la tradition d’un repas en famille. Au lieu de montrer seulement ce qui rapproche Seydou Tall et Yao, Philippe Godeau raconte la distance entre leurs vies, cherche leur vérité. Le Parisien est noir mais il pense comme un Blanc. Pour Omar Sy, c’est un rôle lié à son histoire familiale. Abandonnant les effets comiques, il séduit par sa sobriété, en harmonie avec ce film simple, attachant, jamais simplificateur.

    Frédéric Strauss (Télérama)


     

     

     

    Vu en juin 2021 (Arte TV)

     

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