• Récit

    Sur les chemins noirs / Sylvain Tesson

    Sur les chemins noirs

    Editions Gallimard, collection blanche, 2016

     

     

     

     

     

     

     

    «Il m'aura fallu courir le monde et tomber d'un toit pour saisir que je disposais là, sous mes yeux, dans un pays si proche dont j'ignorais les replis, d'un réseau de chemins campagnards ouverts sur le mystère, baignés de pur silence, miraculeusement vides.
    La vie me laissait une chance, il était donc grand temps de traverser la France à pied sur mes chemins noirs.
    Là, personne ne vous indique ni comment vous tenir, ni quoi penser, ni même la direction à prendre.»
    Sylvain Tesson.

     Extraits choisis...

    ... Certains hommes espéraient entrer dans l'histoire. Nous étions quelques-uns à préférer disparaître dans la géographie...

    ... Ces tracés en étoile et ces lignes piquetées étaient des sentiers ruraux, des pistes pastorales fixées par le cadastre, des accès pour les services forestiers, des appuis de lisières, des viaea antiques à peine entretenues, parfois privées, souvent laissées à la circulation des bêtes. La carte entière se veinait de ces artères. C’étaient mes  chemins noirs.  Ils ouvraient sur l’échappée, ils étaient oubliés, le silence y régnait, on n’y croisait personne et parfois la broussaille se refermait aussitôt après le passage. Certains hommes espéraient entrer dans l’Histoire. Nous étions quelques uns à préférer disparaitre dans la géographie. p.34, et il s’imagine créer avec ces quelques-uns « une cartographie mentale de l’esquive. Il ne s’agirait pas de mépriser le monde, ni de manifester l’outrecuidance de la changer. Non ! Il suffirait de ne rien avoir en commun avec lui L’évitement me paraissait le mariage de l’outrecuidance et de l’élégance...

    ...  A Barjac, une plaque sur le mur du cimetière : « Passant, arrête-toi et prie, c’est ici la tombe des morts. Aujourd’hui pour moi, demain pour toi. » Le souvenir de ma mère défunte me murmurait confusément ce genre de choses. Sa pensée m’escortait par des jaillissements nés d’une vision: pourquoi le souvenir des disparus est-il lié à des spectacles anodins comme une branche oscillant dans le vent ou le dessin de l’arête d’une colline? Soudain, les spectres surgissent. Pendant quelques mois, j’avais porté une bague à tête de mort qu’on m’avait retiré après ma chute. L’inscription latine gravée au revers du crâne disait la même chose que la plaque de Barjac: « Je fus ce que tu es, tu seras ce que je suis » […] Décidément,  j’avais deux millénaires de retard. Il était criminel de croire que les choses duraient. Les matinées de printemps étaient des feux de paille...

    ... Je m'arrêtai vers midi aux calvaires, à leur pied, à leur ombre. Je me livrai à ces exercices d'assouplissement que les kinésithérapeutes appelaient " la position du mahométan ", assis sur les talons, consistant à allonger les muscles du dos en se prosternant, asis sur les talons. La densité des croix augmentait en ces plateaux. EN ville, les admirateurs de Robespierre appelaient à une extension radicale de la laïcité. Certains avaient milité pour la disparition des crèches de Noël dans les espaces publics. Ces esprits forts me fascinaient.Savaient-ils que les croix coiffaient des centaines de sommets en France, que des calvaires cloutaient des milliers de carrefours ? Dans les forêts, dans les creux de certains troncs, au fond des grottes même, des statuettes de saints voisinaient avec les araignées nocturnes. Il arrivait aux alpinistes d'attacher leurs cordes à des vierges de plomb scellées dans le granit pour descendre en rappel du sommet des aiguilles. Par chance, les adorateurs de la Raison étaient trop occupés à lire Ravachol pour monter sur les montagnes avec un pied-de-biche. Si j'affectionnais ces ferblanteries de la foi, ce n'était pas tellement que je crusse dans la fable morose d'un Dieu unique, ni que je regrettasse le pouvoir des curés. Mais je n'aimais pas qu'on s'en prenne à ce qui était debout. En outre, parmi tous les symboles inventés par l'homme pour illustrer ses contes, je ne trouvais pas que la croix et les Vierges de grands chemins fussent les pires. Il ne fallait pas s'échiner à déraciner les choses si l'on n'avait rien à replanter à la place. C'était un principe que le moindre agent de l'Office national des forêts aurait expliqué savamment à un agnostique...

    ... Le plateau entre l'Indre et le Cher se mouchetait de lotissements, de hangars, de ronds-points. Voilà deux mois que je baguenaudais entre ce mobilier, tâchant de le masquer à ma vue. Cette fois je n'y parvenais plus. Les chemins noirs au moins avaient cette vertu : ils sinuaient entre les verruesdes plans d'occupation des sols. Il fallait que les hommes fussent drôles pour s'imaginer qu'un paysage eût besoinqu'on l'aménageât. D'autres parler d'augmenter la réalité. Un jour peut-être s'occuperaient-ils d'éclairer le soleil...

     

    Critique

    Dans la nuit du 20 au 21 août 2014, à Chamonix, Sylvain Tesson, pris de boisson, se casse la gueule d'un toit où il faisait le pitre: Il avait suffi de huit mètres pour me briser les côtes, les vertèbres, le crâne. J'étais tombé sur un tas d'os.

    Comment s'en sort-il? La médecine de fine pointe, la sollicitude des infirmières, l'amour de mes proches, la lecture de Villon-le-punk, tout cela m'avait soigné. 

    Résultat: Quatre mois plus tard j'étais dehors, bancal, le corps en peine, avec le sang d'un autre dans les veines, le crâne enfoncé, le ventre paralysé, les poumons cicatrisés, la colonne cloutée de vis et le visage difforme.

    L'été suivant, les médecins, dans leur vocabulaire d'agents du Politburo, lui recommandent de se rééduquer: Se rééduquer? Cela commençait par ficher le camp. C'est-à-dire? Je voulais m'en aller par les chemins cachés, par les sous-bois de ronces et les pistes à ornières reliant les villages abandonnés. 

    Ce qui lui a donné cette envie? Un papier froissé, au fond de son sac.

    Ce papier, c'est la carte des zones hyper-rurales, annexée à un rapport de l'administration française publié sous le titre: Hyper-ruralité, où on peut lire des choses écrites dans une langue étrange, voire étrangère, telles que celle-ci:

    Le droit à la pérennisation des expérimentations efficientes. 

    Ou celle-là: l'impératif de moderniser la péréquation et de stimuler de nouvelles alliances contractuelles.

    Sylvain Tesson ne le dit pas, mais Molière se serait certainement fait une joie de glisser ces préciosités ridicules dans les commodités d'une conversation de l'une de ses pièces de théâtre...

    A l'aide de cette carte qu'il ne pourra pas suivre intégralement - il y aura des solutions de continuité -, et muni d'autres cartes, celles de l'IGN au 25 000e, il va en effet s'en aller par des chemins cachés: des sentiers ruraux, des pistes pastorales fixées par le cadastre, des accès pour les services forestiers, des appuis de lisières, des viae antiques à peine entretenues, parfois privées, souvent laissées à la circulation des bêtes.

    Cette marche à pied, Sur les chemins noirs de cartes d'état-major, sera sa médecine générale, la clef de sa reconquête. Et il va, du 24 août 2015 au 8 novembre 2015, traverser ainsi la France, en diagonale, du Mercantour jusqu'à la pointe la plus septentrionale du Cotentin.

    Pendant ces semaines, où il renoue avec la France piétonne, il échappe quelque peu aux questions de la taille et de la vitesse qui fondent le monde du XXIe siècle et qui se traduisent par ces mauvaises nouvelles que sont l'obésité et l'agitation.

    Ces chemins noirs nourrissent ses réflexions sur les étapes par lesquelles  l'administration française a fait passer la France rurale à ce qu'elle est devenue, sur l'identité de la France, pays diffracté en même temps qu'uni.

    Il fait des rencontres que l'on ne peut faire qu'en sortant des sentiers battus, qu'en empruntant des chemins noirs. Il chemine aussi, de temps en temps, avec un ou deux amis, qui partagent avec lui cet amour des chemins de traverse.

    Jusqu'alors il avait été l'ennemi de la pensée passéiste. A la date du 30 septembre, il écrit désormais: Les derniers mois m'avaient changé et cette courte marche dans le décor du pays avait accéléré la réforme. Je n'aurais plus honte désormais de m'avouer nostalgique de ce que je n'avais pas connu.

    Alors pour ceux qui, comme lui, ont la nostalgie de la France rurale de naguère, il existe des interstices, il demeure des chemins noirs à emprunter. Encore faut-il les chercher: Il y avait encore des vallons où s'engouffrer le jour sans personne pour indiquer la direction à prendre, et on pouvait couronner ces heures de plein vent par des nuits dans des replis grandioses.

    (Francis Richard -article paru sur son blog le 31/12/2016)

     lu en mars 2017 (prêt Médiathèque de Labarthe sur Lèze)

     

     

      

     

     


    votre commentaire
  • Roman d'anticipation

    1984 / George Orwell

    1984

    [titre original : Nineteen Eighty-Four] traduit par Amélie Audiberti Editions Gallimard, collection Folio, 1950

     

     

     

     

     

     

     

    " De tous les carrefours importants, le visage à la moustache noire vous fixait du regard. BIG BROTHER VOUS REGARDE, répétait la légende, tandis que le regard des yeux noirs pénétrait les yeux de Winston... Au loin, un hélicoptère glissa entre les toits, plana un moment, telle une mouche bleue, puis repartit comme une flèche, dans un vol courbe. C'était une patrouille qui venait mettre le nez aux fenêtres des gens. Mais les patrouilles n'avaient pas d'importance. Seule comptait la Police de la Pensée. "

    présentation de l'éditeur


     

    ANALYSE

    ‘1984’, publié en 1949, est le plus célèbre roman de George Orwell avec ‘La Ferme des Animaux’ ; ils figurent d’ailleurs tous deux dans la liste des cent meilleurs romans et nouvelles de langue anglaise de 1923 à nos jours (magazine Time).

    George Orwell, profondément de gauche, écrit ‘1984’ – communément considéré comme une référence du roman d’anticipation – juste après le Seconde Guerre Mondiale. Parabole du despotisme moderne, le roman est très clairement inspiré du régime soviétique. Il emprunte au nazisme, au stalinisme et au fascisme.

    Sa portée symbolique dans l’immédiate après-guerre justifie son succès et est l’enjeu d’une terrible bataille idéologique.

    L’histoire, qui se situe à Londres en 1984 (d’où le titre), décrit un monde en guerre régi par trois puissances : l’Océania , l’Eurasia et l’Estasia. L’Océania – comprenant les Amériques, les îles de l’Atlantique dont les îles Anglo-Celtes, l’Océanie et l’Afrique australe – est un Etat totalitaire dirigé par Big Brother, qui est l’objet de culte de la personnalité. Omniprésent sur les affiches propagandistes et les « télécrans » – à la fois un système de télévision qui diffuse en permanence les messages de propagande du « Parti », et de vidéo-surveillance –, il n’apparaît jamais en personne et est représenté par le visage d’un homme d’environ 45 ans, moustachu dans une expression qui se veut à la fois rassurante et sévère. Son image donne l’impression à quiconque la regarde qu’il vous épie et vous suit du regard où que vous vous trouviez, d’où la maxime officielle « Big Brother is watching you » (« Le Grand Frère vous regarde ») aujourd’hui connue de tous.

    Bien que très importante, la principale activité de Big Brother n’est pourtant pas de surveiller la population, mais de faire réécrire l’histoire en permanence afin qu’elle corresponde aux desseins du « Parti ». Winston Smith, 39 ans et personnage principal du roman, officie en ce sens au sein du commissariat des archives (« Commarch » en novlangue, langue du « Parti ») du Ministère de la Vérité (« Miniver » en novlangue). En revanche, son travail ne lui plaît guère, car – contrairement à la majorité de la population – il ne réussit à opérer cette amnésie collective et n’est dès lors en mesure d’adhérer à ce parti tyrannique et mensonger.

    Accablé par le doute et la solitude, Winston Smith va écrire son journal intime en cachette du télécran par peur d’être traqué par la « Police de la Pensée », une redoutable organisation de répression. Comment en effet ne pas douter lorsque vous êtes constamment surveillé et matraqué de slogans despotiques tels que « la guerre c’est la paix », « la liberté c’est l ‘esclavage » ou encore « l’ignorance c’est la force » et que la délation est érigée en principe de vie ?

    Lors des « Deux Minutes de la Haine », moment rituel de la journée durant lequel le peuple est obligé de regarder l’ennemi de « l’Angsoc » (socialisme anglais en novlangue), Emmanuel Goldstein, sur des écrans, Winston Smith rencontre Julia. Il croit tout d’abord qu’elle est une espionne de la « Police de la Pensée », car elle le suit à plusieurs reprises : il souhaite l’éliminer en lui écrasant le crâne avec un pavé… Il changera d’avis lorsqu’il apprendra que cette femme est en fait amoureuse de lui. Naît alors une sulfureuse histoire d’amour entre eux. Ils se retrouvent à l’abri des regards indiscrets dans une mansarde louée dans le quartier des prolétaires, l’amour et toute autre émotion positive étant interdite, car l’individu doit une obéissance fidèle et aveugle à l’Etat uniquement.

    Mais cette belle et passionnée idylle – découverte par un « télécran » caché dans la chambre par le propriétaire Monsieur Charrington – se voit mise à mal par l’arrestation de Winston et Julia par la « Police de la Pensée » qui sont amenés au « Ministère de l’Amour ». Winston y sera torturé et humilié durant un long moment jusqu’à ce qu’il perde toutes ses valeurs morales et soit sincèrement enclin à adhérer à toutes les idées du « Parti », aussi contradictoires soient-elles… Le but du « Parti » étant d’éradiquer toute pensée allant à son encontre, la « rééducation » – sous la torture – de Winston se termine lorsqu’il trahit et renie Julia, la femme qu’il a pourtant profondément aimée. Libéré, Winston n’est plus qu’une épave vide de dignité et de sentiments. Un jour, il croise par hasard Julia qui l’a aussi trahi sous l’emprise des méthodes sadiques de la police. Leur amour ne peut renaître de cette déloyauté réciproque, ils décident alors de ne plus se revoir.

    À la suite du succès du roman, Big Brother est devenu la représentation de l’État policier et de la perte des droits individuels de la population dans la culture populaire anglo-saxonne.

    source : http://www.1984-orwell.fr


    1984, de George Orwell

    Il existe des livres et des auteurs qui resteront gravés dans l’Histoire. L’écrivain britannique George Orwell et son roman 1984, pièce maîtresse de son oeuvre littéraire, en font partie. Ecrit en 1948 par un homme mourrant, 1984 est un des plus grands ouvrages du XXe siècle, c’est certain. Mais il est toujours bon de le faire découvrir à ceux qui ne le connaissent pas.

    George Orwell, de son vrai nom Eric Blair, né en Inde en 1903, fut policier dans son pays, clochard et plongeur dans un restaurant à Paris, combattant au côté des Républicains espagnols en 1936, homme de gauche engagé avec les communistes, speaker à la BBC, maître d’école, employé d’une librairie, journaliste, mais surtout un grand écrivain en son siècle. Farouche défenseur des libertés, il dénonça les crimes communistes et écrit de nombreux romans et essais.

    "La guerre c’est la paix, la liberté c’est l’esclavage, l’ignorance c’est la force." répète le régime de Big Brother en 1984, société la plus totalitaire imaginée en littérature. Orwell, qui a eu pour professeur de Français Aldous Huxley, auteur du Meilleur des Mondes, décrit ici un monde terrifiant, où la Police de la pensée règne. Winston Smith est employé au Commissariat des Archives, dans le ministère de la Vérité, où il falsifie l’Histoire pour ne pas compromettre le pouvoir qui se serait trompé dans le passé. Tout est réécrit : il n’y a plus aucune trace de l’erreur, il n’existe qu’une seule version des faits, celle de Big Brother, dictateur à la grosse moustache noire… Depuis des années, on mène une guerre sans fin et patriotique au bout du monde, la pensée est contrôlée, les opposants sont torturés par le ministère de l’Amour qui détruit leur mémoire et leur existence, la propagande s’affiche quotidiennement, et, partout, "Big Brother" nous regarde. Dans une société où l’Humain et ses sentiments ont été éliminés, Winston recherche l’amour et la liberté. Il se met à écrire secrètement dans son carnet, parmi des êtres totalement asservis.

    George Orwell, qui s’emploie à dénoncer les régimes totalitaires de son époque et ceux qui les suivront en exemples, écrit une histoire assez simple au premier abord, celle de Winston et de cette société. Mais ce chef d’oeuvre est beaucoup plus qu’une simple critique : c’est une réflexion en profondeur sur le totalitarisme, la liberté, la pensée et l’humain. Roman de science-fiction ou thèse politique, 1984 nous montre que personne n’est à l’abris du contrôle de la pensée, même Winston qui, pourtant, y est symbole de la révolution contre la dictature… Orwell, écrivant avec violence des passages sur la torture et les pires sentiments humains, ne tombe pas dans le simplisme mais étudie le phénomène totalitaire. Que dire de ces personnages, Syme, qui restreint Staline_3le vocabulaire pour créer le "Novlangue" afin de limiter la pensée, ou Parson, esclave du Parti, qui se fait dénoncer par sa fille et en est tout de même fier, si ce n’est y trouver un terrible – mais réaliste – parallèle avec tous ceux dont la pensée libre a été supprimée au point de les anéantir humainement ?

    1984 est finalement un miroir de l’Homme et de ses pensées les plus dangereuses. George Orwell a réussi à mêler dans son récit à la fois une intrigue bien menée et une véritable réflexion (à gauche, comme tous les essais de l’écrivain, mais 1984 dépasse évidemment les clivages politiques). Nous avons là la description détaillée de Londres imaginée en ruines, où le regard de Big Brother (à propos, qu’en aurait pensé Staline à la lecture de l’ouvrage ? …) est omniprésent, dominée par les ministères de l’Amour (respect de la loi), de la Vérité (information), de la paix (la guerre). Le roman d’Orwell pose aussi la question de la liberté et de la conscience morale – de la responsabilité : comment ne pas douter du bien-fondé d’une société fondée sur la terreur, la délation et le mensonge, en particulier lorsqu’on participe personnellement à l’élimination systématique de toute pensée autre qu’officielle ? Publié en pleine guerre froide, 1984 est forcément un grand livre (par sa portée philosophique et la personnalité de son auteur), qui a osé traiter d’un sujet épineux mais à qu’on ne pouvait ignorer à l’époque, le totalitarisme et la métamorphose des "révolutions" en systèmes despotiques. On accusa Orwell d’anticommunisme et utilisa (après sa mort) son livre aux Etats-Unis contre l’URSS. Alors qu’il n’était jamais rentré en Union soviétique, il avait réussi à décrire le quotidien des cadres du Parti, d’après certains concernés… 1984 n’est pas une vision terrifiante de l’avenir politique (et humain) du monde, mais un condensé (personnalisation du pouvoir, propagande, violence…) de toutes les idées totalitaires qu’ont acceptées nombre de personnes au nom de la "révolution".

    Roman très sombre et pessimiste (Orwell n’était sans doute pas confiant en l’avenir en 1948…), 1984 dépassera toutes les époques, car jamais un livre n’a autant démontré que l’Homme est dangereux pour lui-même par ses actes et sa pensée. C’est un rappel à chaque génération que la liberté de la pensée reste pour une société démocratique la première obligation. La littérature, avec ce livre et cet auteur en références entre autres bien sûr, s’est emparée de l’engagement pour la force de la pensée. (Image : affiche de propagande, 1937, Collection David King)

    source : http://pitou.blog.lemonde.fr

     

     lu en février 2017 (prêté par Matthieu Tonneau)

     

     

      

     

     


    votre commentaire
  • Roman graphique

    Couleur de peau : miel / Jung 

    Couleur de peau : miel

    roman graphique.- Editions Soleil (Collection Quadrants), 4 tomes, 2007-2016

     

     

     

     

     

    Jun Jung-sik errait dans les rues de Séoul quand un policier l’a pris par la main pour l’emmener au Holt, un orphelinat américain. Il avait alors 5 ans. Quelques photos, un rapport d’orphelinat… Ses souvenirs tiennent à un fil. Mais les questions le taraudent.
    2007 : Jung décide de remuer les souvenirs ou les fantasmes de sa vie, en tout cas d’en finir avec une certaine période teintée de l’incertitude qui ronge. Il se raconte dans ce récit terriblement intime : sa survie en Corée, sa nouvelle famille belge. Une adoption pas toujours très réussie, contrairement à d’autres gamins. Mais cette histoire est la sienne : il a grandi avec, s’est construit avec, jours après jours, vaille que vaille. Les fous rires, les drames, le quotidien, les bêtises de gosses et les questions sans réponses… Sans aucune réponse ?

    (présentation de l'éditeur)

     

    Biographie de l'auteur

    Jung Sik Jun est né le 2 décembre 1965 à Séoul, en Corée. Adopté par une famille belge en 1971, il prend pour nom d'adoption Jung Henin. Il suit des études d'Humanités Classiques (latin et mathématiques) à l'Athénée Royal de Rixensart, avant de fréquenter un an, en 1985, l'atelier Saint-Luc de Bruxelles. Il étudie ensuite à l'académie des Beaux-Arts de Bruxelles, en section Illustration. Parallèlement, il fait un bref passage dans le dessin animé, à la Cambre. C'est en 1987 que sa carrière prend un tournant décisif, puisqu'il rencontre Marc Michetz, qui le présente au magazine Spirou. Cela lui permet d'illustrer quelques courts récits dans Spirou et Tintin. Il travaille alors quelques mois dans l'atelier d'Yslaire et de Darasse, et illustre aussi les couvertures du Belgian Business Magazine. En 1991, Jung publie le premier des quatre tomes de Yasuda, chez Hélyode-Lefranc. La finalité de ses dessins est pour lui de faire transparaître des émotions, des sentiments, avec des personnages bien présents, vivants. En 1997, en collaboration avec Martin Ryelandt, il réalise La Jeune Fille et le Vent, aux éditions Delcourt. L'univers asiatique de cette série d'heroïc-fantasy est un retour à ses origines coréennes, et le fantastique lui permet de renforcer le côté évocateur de son dessin, notamment pour le héros : le Vent. Il signe avec Kwaïdan son premier scénario, une nouvelle série qui frappe par la beauté des couleurs directes et la poésie subtile et raffinée qui émane de ce conte nippon.

     En 2006 , toujours en collaboration avec Jee Yun , il publie Okiya, un conte érotique japonais (1 tome). En 2007 le premier tome de Couleur de peau : miel, un récit autobiographique en noir et blanc pour les éditions Quadrants (MC productions), sort en librairie en même temps que le premier volume de la trilogie Kyoteru (Delcourt). En 2008 sort en France le second tome très attendu de Couleur de peau : miel. L’adaptation cinématographique qu’il a co-réalisé avec Laurent Boileau sort dans les salles de cinéma le 6 juin 2012.
     
     

     lu les 3 premiers tomes en février 2017 (emprunt médiathèque de lecture publique Françoise Giroud, Labarthe sur Lèze)

     

     

     


    votre commentaire
  • Roman historique

    Les Vierges laïques  / Marguerite Peyre

    Les Vierges laïques

    traduit par Henri Plard Editions Le pas d'oiseau, 2016

     

     

     

     

     

    Dans un petit village des Pyrénées ariégeoises, Jeanne-Marie, enfant abandonnée et élevée par des agriculteurs, est repérée par son institutrice qui s’attache à elle et l’incite à suivre la même voie. Jeanne-Marie s’engage à son tour dans la mission des instituteurs des années 1930. Leur objectif : redonner vie aux campagnes qui se dépeuplent en encourageant la jeunesse à rester au pays. Cette situation l’amène à se donner entièrement à son métier d’institutrice. Vivant dans un certain isolement, elle n’aura de cesse de s’interroger, non sans souffrance, sur son origine et la raison de son abandon par ses parents inconnus. (présentation de l'éditeur)

     Marguerite Peyre, née Bétolaud à Paris (1882-1975) fut institutrice et directrice dans plusieurs arrondissements de Paris. Elle a pris sa retraite en 1935 dans l’Ariège avec son mari qui en était originaire. Passionnée de littérature et d’histoire, elle consacra dès lors ses loisirs à la lecture et l’écriture, sans jamais publier de son vivant. « J’ai un plaisir infini à égayer mon présent en évoquant mes souvenirs d’enfance, et à essayer de les raconter », écrivait-elle en 1952. Jacques Boussuge le petit-fils de l’auteure, a retrouvé ce manuscrit jamais publié et l’a fait lire à la libraire des Beaux Livres d’Ax-les-Thermes, qui l’a orienté vers les éditions «Le Pas d’oiseaux». Ces derniers ont décidé de le publier pour sa qualité littéraire mais aussi pour sa valeur de témoignage sur ce qu’était l’école en Ariège à cette époque.

     

     lu en juillet 2016 (collection personnelle)

     

     

      

     

     


    votre commentaire
  • Roman historique

    Héliopolis / Ernst Jünger

    traduit par Henri Plard Editions Le livre de poche, collection Biblio, 1988

     

     

     

     

     

     

     

    D'Héliopolis, on pourrait dire que ce livre est le bréviaire de tous ceux que fascine depuis plus d'un demi-siècle l'oeuvre d'Ernst Jünger. Là sont contenus tous les grands thèmes de ses livres passés et à venir. Dans un univers où se mêlent intimement le romantisme le plus ésotérique et les techniques les plus fabuleuses de la science-fiction, l'auteur a campé une série de personnages « en situation » (le soldat chevalier; le sage détenteur des jardins secrets, le maître des pouvoirs magiques, le dominateur sans visage d'un univers de plus en plus déshumanisé, etc.), personnages et situations qui n'ont jamais cessé de hanter Ernst Jünger depuis les tranchées de 14 jusqu'aux chasses (plus) subtiles d'aujourd'hui. Héliopolis, un livre clé, un livre qui ouvre les couloirs mystérieux et sonores du labyrinthe de l'Existence et où, octogénaire, Jünger continue de cheminer de son pas tranquille de guetteur. (présentation de l'éditeur)

     Ernst Jünger préférait apparemment qualifier Héliopolis, paru en 1949, de roman philosophique plutôt que de science-fiction. C'est avant tout un récit visionnaire à multiples facettes, comme une quête du bonheur dans un monde imparfait.
    Dans un futur sans date, après la période des Grands Embrasements qui ont détruit la terre, le commandant Lucius de Geer, au service du Pronconsul, revient en bateau dans la cité d'Héliopolis. Les destructions ont ravagé la ville au cours de l'histoire, mais Héliopolis reste cependant d'une splendeur méditerranéenne.
    Après les Grands Embrasements, le Régent, détenteur du pouvoir suprême a pacifié la terre, mis les juifs à l'abri et, ne pouvant octroyer le bonheur et la paix, il s'est retiré, pour revenir plus tard, au moment adéquat. du haut des étoiles, il observe le désordre, laissant Héliopolis sous la coupe du Proconsul et du Bailli, qui luttent pour le pouvoir.
    Le proconsul s'appuie sur domination d'une élite intellectuelle et aristocratique, tandis que le bailli est un démagogue cruel et populiste. Celui-ci passe pour un bon homme bien qu'il n'hésite pas à recourir au meurtre, à la torture pour contrôler le peuple, considéré comme une masse d'individus indifférenciés, et à diriger la rancœur des masses sur la minorité parsi, un bouc émissaire facile à designer lorsqu'il y a des troubles. Les avancées technologiques n'ont pas apporté aux hommes tous les bienfaits dont ils avaient rêvé ; et nous sommes au contraire dans une époque de misères et de dangers, où le dégoût de la parole et des subterfuges de la politique se propage, et où les sectes fleurissent.
    « La politique y était tombée au rang d'un pur mécanisme, sans grandes figures et sans autre contenu que la violence bestiale. Il convenait donc de s'isoler sur ces domaines inaliénables, de cultiver ses terres, de chasser, de pêcher, de se consacrer aux beaux-arts et au culte des tombes des aïeux, ainsi qu'il avait toujours été normal. le reste n'était qu'écume du temps, un cratère qui se consumait en lui-même et ne laisserait pas de traces dans l'histoire. »
    Lucius de Geer, ressentant une lassitude pour les jeux de pouvoir et l'obéissance militaire, s'absorbe dans la contemplation, se tourne vers l'utopie, et la simplicité. Et dans la nuit menaçante d'Héliopolis, on aime se retrouver avec lui dans la taverne du Calamaretto, et consommer le vin au scintillement profond, le fromage de brebis sur le pain de froment et le jambon de pays garni d'olives noires. Lucius se marginalise, dans une évolution sans doute proche de celle de Jünger lui-même depuis « Orages d'acier » écrit près de trente ans auparavant.
    Même s'il reste toujours chez Jünger une embarrassante fascination pour l'ordre et la violence, Héliopolis est un roman extraordinaire, souvent mystérieux et mélancolique, beau comme un fleuve profond qui traverserait des contrées inconnues, et qui parfois s'alanguit dans les méandres de débats philosophiques, ou dans des visions d'une amplitude cosmique, porté par un insatiable esprit d'aventure et de curiosité.
    « le bonheur porte pour moi les traits de l'immaculé, de l'objet vierge. S'il faut le comparer à un trésor, j'aime en lui l'instant où je le sens tout en mon pouvoir, mais sans avoir encore disposé de lui. C'est un état potentiel qu'anime l'illusion. Il s'y mêle toujours l'idée du blanc. Les surfaces blanches m'égaient : un champ sous la neige, la lettre que je n'ai pas encore ouverte, la feuille de papier qui m'attend sur ma table. Bientôt, je la couvrirai de signes, de lettres, et je lui ravirai ainsi une part de son chatoiement. »

    (critique parue  sur le site web Babelio sous le pseudonyme Charybde7 en 2013)

    A propos d'Ernst Jünger, on peut écouter cette émission de France Culture : Ernst Jünger, 1895-1998, entretien avec Philippe Barthelet, France Culture, 1993

     

     lu en juillet 2016 (collection personnelle)

     

     

      

     

     


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique