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    Les roches rouges
    Les roches rouges

     

    Les roches rouges / Olivier Adam.- Paris : éditions de Noyelles, 2021

    ISBN 978-2-298-16924-9

     

     

     

    – Faut qu’on se tire d’ici.
    – Et on ira où ?
    – Je sais pas. T’inquiète. On trouvera.
    – Et s’il revient ?
    – Eh ben il reviendra.
    – S’il s’en prend à tes parents ?
    – C’est pas après eux qu’il en a. Qu’est-ce que Leila fout avec moi ?

    J’ai tout juste dix-huit ans. Je vis chez mes parents. Je vais plus au lycée et j’ai pas de boulot. Je picole trop et je me bourre de médocs. Comment peut-elle croire que je suis capable de la protéger, de lui offrir quoi que ce soit de plus ou de mieux que son mec ?
    Depuis qu’on roule elle m’a pas posé la moindre question. Elle m’a même pas demandé où on allait exactement. Je lui ai juste dit que je connaissais un endroit où on serait pénards. Et ça a semblé lui suffire…

    Après le succès de La Tête sous l’eau, déjà en cours d’adaptation, Olivier Adam nous offre un nouveau roman bouleversant. Un de ceux qui vous marquent pour longtemps.

     

    A propos de l'auteur : 

    présentation de l'éditeur


     Au fil de la presse...

    "Les Roches rouges", c’est l’histoire de jeunes gens à la dérive : ils s’appellent Antoine et Leila. Ils ont entre 17 et 21 ans, l’âge de tous les possibles paraît-il et pourtant leur horizon leur semble bouché, les perspectives nulles, l’avenir compromis.

    Leila est devenue adulte beaucoup trop tôt, et Antoine est incapable de formuler un projet d’avenir

    Leïla 

    A 21 ans, elle est déjà maman d’un petit garçon. Il s’appelle Gabi et il a 3 ans à peine. Le père du petit, c’était son prof de volley. Elle l’a rencontré beaucoup trop jeune, et puis c’était aussi pour elle un moyen de fuir une famille défaillante. L’idylle a vite tourné au cauchemar : Alex devient violent, colérique, et excessivement jaloux.

     

    Leila se sent déjà vieille et totalement prisonnière de sa vie.

    Sa seule échappatoire s’appelle Antoine, un gamin qu’elle a rencontré à Pôle Emploi. Il a l’air un peu paumé, mais c’est la première fois qu’elle rencontre un garçon gentil. Et pour l’instant ça lui suffit.

    Antoine

    Il picole trop, glande beaucoup et, à 18 ans, il regrette déjà l’insouciance de son enfance. Pas de boulot, plus de copains, il vit encore aux crochets de ses parents. Il a bien du mal à comprendre comment une fille comme Leila peut s’intéresser à lui. Fou d’amour pour elle, il essaie de donner un peu le change avec quelques petits mensonges minables. 

    Pas vraiment un conte de fée !

    Lorsque le copain de Leila apprend qu’elle le trompe, pas le choix, il faut partir. Finalement ils se connaissent à peine, se cachent encore des choses mais ils ont un point commun : ils n’ont rien à perdre et surtout un passé à oublier, à fuir.

    C’est sur un coup de tête et dans la nuit qu’Antoine, Leila et son petit garçon décident de filer. Direction le sud, là où les roches sont rouges. Après une nuit de cavale, ils échouent dans la maison de famille d’Antoine.

    Mais lorsqu’ils débarquent dans cette maison, ils ne sont pas seuls. Ils trouvent Lise, la sœur d’Antoine qu’il n’a pas revue depuis des mois. Pourquoi Lise est-elle si en colère contre lui au point de refuser de lui adresser la parole ? Par quel secret Antoine est-il hanté ?

    Cette maison près des roches rouges abrite un drôle de trio, des vies cabossées qui tenteront de se reconstruire, chacun panse ses plaies et trouve une forme de réconfort auprès de l’autre, de compréhension au-delà des mots. Cette maison c’est un refuge, une parenthèse hors du temps, un nouveau départ. Se dessiner un nouvel avenir au son des vieux disques de jazz ?

    Olivier Adam nous offre un roman bouleversant sans pathos ni angélisme

    Mélancolie, goût pour les destins tragiques, les drames familiaux, sensibilité, l’empathie pour ses personnages. Avec un réalisme social en toile de fond : les personnages sont dignes, humains, ordinaires, des anti-héros. Olivier Adam alterne les points de vue : Leila nous livre ses confidences à travers un journal, et Antoine sa version des faits.

    Avec ce récit, on a l’impression que l'auteur rétablit une forme de justice pour ses personnages que la vie et la société n’ont pas épargnés

    La vérité, c’est peut-être ça : croiser les points de vue, entremêler les témoignages et laisser le lecteur libre d’en tirer ses conclusions.

    Delphine Maillard (France inter)


    À peine majeurs et déjà mal partis, de jeunes amoureux fuient la banlieue pour la Grande Bleue. Le portrait délicat de deux perdants magnifiques.

    La langue est à vif, charnelle, directe, le ton juste et abrupt. Olivier Adam travaille la matière romanesque au couteau. Il cherche à chaque instant la ­vérité de l’émotion, saisit son lecteur et l’emporte dans un récit âpre et urgent. Car c’est d’un roman noir qu’il s’agit, la cavale d’un très jeune couple, de la banlieue parisienne à la côte méditerranéenne, pour fuir la poisse d’une vie déjà mal emmanchée. Leila tente d’échapper, avec son petit garçon, à l’emprise d’un mari violent. Antoine, 18 ans, fou amoureux, garçon fragile et blessé, la conduit vers la maison de ses grands-parents au bord de la mer. « Comment peut-elle croire que je suis capable de la protéger, de l’emmener quelque part, de la mettre à l’abri, de lui offrir quoi que ce soit de plus ou de mieux que son mec ? » Olivier Adam brosse avec une infinie tendresse le portrait de ces deux perdants magnifiques, qui tentent de survivre à cha­que jour qui passe. Il dit magnifiquement la violence sociale et l’acide des blessures intimes, mais aussi la puissance des paysages, la mer et le ciel à perte de vue, comme une promesse d’ailleurs et d’autrement. Son roman, tragique et lumineux, qui paraît dans une collection « jeune adulte », touchera autant les ados que leurs parents, tant les sentiments qu’il mêle et met en scène sont universels.

    Michel Abescat (Télérama)

     

    Lu en novembre 2021, collection Papa et Maman (Sorgeat)

     

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    Variations sauvages

    Variations sauvages / Hélène Grimaud .- Paris : éditions France Loisirs, 2004

    ISBN 2-7441-7435-1 (rel.)

     

     

     

    « Je n’ai aucune nostalgie de l’enfance. » Dès les premiers mots, Hélène Grimaud donne le ton de son étonnant récit. L’itinéraire de cette pianiste française de renommée internationale emprunte mille chemins buissonniers ; on la suit, de son adolescence prodige jusqu’à cette nuit où son regard croise celui d’Alawa, la louve d’où viendra la renaissance.
    Éloge des mains, profils inattendus d’artistes et de musiciens dessinent le fil rouge de ce livre dont l’éclat des facettes forme le portrait unique d’une rebelle absolue.
    Variations sauvages est un hymne vibrant à la musique et à la liberté, un plaidoyer pour la reconnaissance des loups et la sauvegarde de la nature.

    « Une passionnante autobiographie beaucoup plus romanesque que la plupart des romans de l'année. » Bernard Pivot – Le JDD

    présentation de l'éditeur


     Au fil de la presse...

    L'ambition de ce petit article est d'envisager l'ouvrage de la pianiste Hélène Grimaud d'un point de vue littéraire, de considérer Variations sauvages comme une œuvre de littérature, ce qui peut étonner de prime abord : ne s'agit-il pas de simples mémoires, comme beaucoup d'autres artistes, comme Placido Domingo, ont pu en écrire, également vingt ans seulement après leurs débuts de carrière ? Mais justement, il semble difficile d'assimiler ces Variations aux ouvrages traditionnellement écrits par des musiciens. Ni autobiographie d'artiste, ni traité d'interprétation, ni pures réflexions sur l'expérience musicale, l'ouvrage de l'ancienne élève de Pierre Barbizet se caractérise par un mélange des genres évident et par une dimension littéraire voire fictionnelle qui l'est peut-être moins.
    L'entremêlement des discours est l'élément le plus manifeste de l'originalité du récit : la pianiste voit dans cette alternance de souvenirs personnels, de considérations générales sur la musique et d'anecdotes ou d'exposés sur le monde animal, en particulier sur les loups, un phénomène d'oxygénation interne au récit, un chapitre étant la respiration de l'autre, comme si raconter ou penser l'essoufflait trop vite, comme si elle avait besoin de se reprendre, de passer rapidement à autre chose pour ne pas se trouver trop prisonnière de sa narration, emballée comme un cheval au galop. Les chapitres respirent donc entre eux, mais ils font également respirer la plume de l'écrivain, et le lecteur lui-même. Celui-ci peut pourtant en avoir également le souffle…coupé : le passage de certains chapitres à d'autres produit un effet saisissant de contraste. Ainsi, le début du second chapitre, qui commence par cette phrase surprenante : " Pour se transformer en loup-garou, il faut, impérativement… ". L'auteur semble familière de ces brouillages des repères d'énonciation. Autre exemple, le premier " blanc " (p.18), après une évocation du cadre familial à Aix-en-Provence dans les années 1970, introduit à une anecdote historique dont le lieu est également Aix, et dont la date, 1532, laisse pantois le lecteur, qui n'est pas prévenu du schéma d'écriture choisi, et provoque en lui un état de tension, d'attente aux aguets, bref, l'empêche de se laisser bercer par un flumen orationis régulier et apaisant. Les dosages de continuité (ici, le cadre topologique, ailleurs la chronologie ou l'association d'idées) et de discontinuité (ici la chronologie, ailleurs la topologie…) assurent donc l'unité du livre, qui n'est qu'en apparence disloqué. Cela sera confirmé par le progressif estompement des frontières entre les trois types de propos : au fur et à mesure que la petite Hélène grandit, la musique et sa vie, puis les loups et sa vie, coïncident de plus en plus, et naturellement les divisions typographiques et narratives s'effacent.
    Cette façon de ciseler le discours n'est pas sans incidences sur sa nature elle-même, et la forme semble transformer le fond, fondant ainsi la littérarité de l'ouvrage. Il y a tout d'abord certaines références littéraires ou parodies plus ou moins délibérées, qui peut-être surgissent naturellement et sans le vouloir sous la plume d'une grande lectrice, comme ces clins d'œil à Marcel Pagnol (p.23 " ma mère ne manquait jamais une occasion de m'instruire "), à un autre Marcel, Proust (p.48 " longtemps je n'ai pu m'endormir que dans l'ivresse du vide… "), à Rimbaud (p.171 : " j'avais presque dix-sept ans. N'étais-je pas sérieuse ? ") ou à Céline, avec une arrivée à New York (p.257 sqq.) qui n'est pas sans évoquer celle de Bardamu, non pas stylistiquement cette fois, mais thématiquement.
    La persistance du discours enfantin dans le discours rétrospectif, au début du livre, permet à l'auteur de manier les changements de focalisation avec habileté et naturel. Ainsi, quand Hélène Grimaud parle des enfants de son âge, à Aix, elle écrit (p.14) : " Je les trouvais lamentables. Je me sentais absolument différente d'eux. Et je l'étais, n'est-ce pas ? " C'est à la fois la petite fille qui parle et la jeune femme d'une trentaine d'années. Ce type de détails, dont on retrouve tant d'illustrations dans Variations Sauvages, s'allie à un soin apporté au langage, comme matière, pour donner au livre le statut d'œuvre littéraire : citons par exemple la phrase suivante : " le temps cuirassé, inattaquable, inoxydable, le temps mitonné par une mère aimante, le temps sous la haute surveillance des armées de pendules était de retour. " (p.33). Ici, c'est non seulement le rythme qu'il est intéressant d'analyser, mais aussi les jeux de sonorité. La phrase dénote une maîtrise certaine des dosages de rythme, avec la séquence suivante : groupe sujet ternaire (" le temps… " à trois reprises), développé lui-même, pour le premier " temps " de cette tripartition, en trois temps (les trois adjectifs), le tout dans une progression en longueur des éléments, en une cadence majeure qui se termine brusquement mineure avec le groupe verbal, final et bien plus court. Les sonorités accroissent l'effet d'unité des membres de phrase : le premier temps est uni par les gutturales sèches (Kuirassé, inattaKable, inoKsydable), alors que la douceur maternelle est rendue par les M des mots " Mitonnés ", " Mère aiMante ". Enfin, et toujours au service du sens, la hauteur de la " surveillance " des horloges est traduite par l'élévation rythmique de la phrase.
    Mais au-delà de ces qualités littéraires, le texte de Variations sauvages présente également des aspects fictionnels inattendus. C'est le mélange ou plutôt l'entrecroisement déjà évoqué qui le fait pressentir, puisqu'il amène sous la plume d'Hélène Grimaud certaines formules surprenantes comme : "Adulte, j'adorais m'infliger d'autres épreuves. "(p.235). L'écrivain en vient ici à parler d'elle avec un tel recul que cette adulte, qu'elle est bien évidemment encore, et non pas qu'elle était, se conjugue, comme adulte, au passé, comme si elle survolait une histoire sienne et autre à la fois. Mais cet exemple ne serait qu'anecdotique s'il n'était corroboré par une série d'éléments inclinant son ouvrage du côté de la fiction : le portrait tracé du personnage de Dennis en est un exemple frappant. La description de la première rencontre, au crépuscule (entre chien et loup !), fait de lui un personnage pittoresque et romanesque, de ceux que l'on ne s'imaginerait pas rencontrer un jour dans la rue, aussi entouré de mystère : " Je scrutais sa silhouette dans l'obscurité.(…) Par instants, les verres de ses lunettes lançaient de petits éclats dans la nuit. " (p.239). La mort réelle de cette personne la fait d'autant plus appartenir au livre seul, lui donne le statut d'être de papier, d'être qui revient à la vie par la littérature. Et c'est la façon de le présenter au sein du récit qui est à l'origine de cet effet de dé-réalisation, de fiction. Dennis est, avant son apparition, l'homme dont on parle (p.230/231), celui dont l'existence est d'abord rapportée, annoncée, comme celle d'un héros de roman qui ne vit que dans le langage. Autre exemple de cet effet de fiction, éprouvé par le lecteur comme un sentiment diffus : la familiarité instinctive et immédiate avec la louve, décrite comme si elle n'avait pas été vécue, mais rêvée par une enfant, moment de grâce qui n'appartient pas à la réalité mais à l'imaginaire.
    Variations sauvages est donc un livre qui donne plus qu'on ne s'attend à y trouver, un livre qui ferait mentir le dictionnaire, puisqu'on peut lire dans le Larousse : " Grimaud : n.m. (du francique) Litt. Mauvais écrivain. "

    J.L.R. (Jérémie Leroy-Ringuet)

     

    Récit autobiographique de la pianiste Hélène Grimaud : l'auteur laisse entrevoir la magie qui transforme une toute jeune adolescente dotée d'un tempérament fort en une musicienne accomplie. Sa personnalité, un peu déroutante, est fréquemment associée par Hélène Grimaud elle-même au caractère à la fois sauvage et grégaire des loups qu'elle nous apprend à découvrir.

    Lu en octobre 2021, collection Papa et Maman (Sorgeat)

     

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    Le capitaine et les rêves
    Le capitaine et les rêves

    Le capitaine et les rêves [roman graphique]. Tome 1 / Björn Larsson ; traduit du suédois par Philippe Bouquet .- Paris : éditions Grasset, 1999

    ISBN 9782246564119 (rel.)

     

     

     

     

     

    Quand un capitaine accoste dans un port, on sait qu'il va repartir. Mais son bref passage peut bouleverser la vie des personnes qu'il a rencontrées.
    Lorsque Marcel débarque avec son charisme dévastateur, son charme irrésistible, certains destins basculent. Rosa Moreno, la jeune serveuse qui végète dans un petit village : Mme Le Grand, qui tient le fichier de tous les marins qu'elle a connus ; Peter Sympson, féru de pierres précieuses ; Jacob Nielsen, informaticien à la retraite qui surfe avec passion sur le web ; tous quatre partent quelque temps après, chacun de son côté, à sa recherche et se retrouvent dans un bar de Kinsale en Irlande, où Marcel finit par revenir. Il entraîne alors ces terriens invétérés et individualistes à bord d'un bateau à voile dont il leur confie la manœuvre. Ils apprendront la solidarité, comprendront la vanité de certaines choses et la beauté de la vie.
    Marcel pourra repartir : ses amis se seront trouvés, ils vivront enfin leurs rêves.

    présentation de l'éditeur


     Au fil de la presse...

     Ce roman nous conte l'histoire d'un Capitaine de cargo plutôt atypique et philosophe qui, d'escale en escale, rencontre des personnes dont il va, involontairement d'ailleurs, modifier la vie.
       
       Björn Larsson ne décrit pas ses personnages. Il le dit sans détour, il trouve préférable que ses lecteurs les imaginent eux-mêmes. Il pense que chacun obtient ainsi de meilleurs résultats. C'est un point de vue que l'on peut admettre. Pour ma part, j'ai été parfois un peu perdue du fait que je n'arrivais pas à estimer une fourchette d'âge pour ce fameux capitaine, axe du roman. Il m'a semblé changer d'âge à différents moments du récit. A quoi cela a-t-il pu être dû ? Je l'ignore. Je n'ai pas eu de problèmes avec les autres personnages. Alors, sans doute qu'en effet, une précise description physique n'est pas nécessaire, mais quelques indications ne nuisent pas?
       
       Ceci dit, j'ai bien aimé ce roman à l'architecture si stricte. Le récit s'y poursuit au fil d'un itinéraire balisé d'avance. Le Second du navire et quatre personnages parlent d'eux-mêmes et du Capitaine et on suit la progression de l'affaire au long de ces cinq récits toujours repris. Jusqu'à la fin où la rencontre de tous et la participation du Capitaine amène un mélange des chapitres. Quand je dis que chacun parle, je m'exprime peut-être mal. Il ne s'agit pas de différents récits à la première personne mais de différents récits à la troisième personne, vus dans l'axe du personnage choisi.
       
       C'est là un livre très prenant et qui se lit sans difficulté et avec intérêt, mais j'ai trouvé qu'il y avait comme une baisse de régime dans le dernier tiers, au moment où les personnages se retrouvent. Cela se passe sous le signe des « rencontres qui ne se font pas ». Ils m'y ont semblé trop soumis aux conventions et « coincés ». Faire des centaines de kilomètres pour se rencontrer et ne rien se dire d'un peu authentique « de peur d'être importun, de paraître mal élevé » !!! Autant, dans la vie, parfois, il faut savoir se taire, autant, à d'autres moments, être humain, c'est savoir parler, dire les choses, c'est avoir le courage de poser les questions, au risque même de prendre la réponse en pleine figure. La vie, c'est ça. L'ignorer, c'est perdre son temps. Il y a là quelques pages qui piétinent un peu (à mon avis).
       
       Je déplorais donc la lâcheté des personnages et je commençais à désespérer de ce roman quand, tout de même, une fin plus nerveuse et même pleine de rebondissements a rattrapé le tout et m'a permis de refermer ce livre sur un sentiment de satisfaction.
       
       Cet ouvrage est une ode à la vie, à la liberté et finalement à l'athéisme. Larsson y revient plusieurs fois de la façon la plus claire et conclut : « La seule chose qui comptait était que, selon toute apparence, il était possible de vivre même s'il n'y avait rien en quoi espérer dans l'au-delà et à peine sur cette terre _ possible, malgré tout, de mener de ce côté-ci de la tombe une vie qui ait un sens. ». On sent que ce message est une préoccupation majeure de l'auteur et le sens de ce livre.
       
       Mme Legrand ou Jacob ne peuvent accepter l'idée que la vie passe sans laisser de traces, mais le Capitaine, vrai sage, n'y voit, lui, rien à redire.
       
       « Le capitaine et les rêves » a obtenu le Prix Médicis étranger en 1999.

     

    Sybilline (https://www.lecture-ecriture.com/)


     

    Bel article signé Annelie Jarl Ireman intitulé "Rêves au bord de la mer" paru dans la revue Nordique (2013)

    Télécharger « Les_ports_chez_Larsson.pdf »

     

     

    Tous les personnages gravitent autour de Marcel, fascinant et séducteur capitaine d'un cargo qui, au gré des escales, révèle à eux-mêmes ceux qui croisent son irrésistible sourire. Ceux-ci tentent instinctivement de retrouver l'homme merveilleux mais d'une liberté farouche. On égrenne les petits ports européens, Villagarcía de Arousa en Galice, Tréguier en Bretagne, Kinsale dans le sud de l'Irlande, et Marstal au sud du Danemark comme autant de petits cailloux qui conduisent le lecteur jusqu'au point d'orgue de l'histoire : une croisière étrange au large de Baltimore (Irlande). Beau roman aux allure de conte philosophique : après quoi ou qui court-on et pourquoi ?

    Lu en mars 2021, collection personnelle (Marianne et Jérôme, offert par Vincent ?)

     

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    Le dernier Atlas
    Le dernier Atlas

    Le dernier Atlas [roman graphique]. Tome 1 / scénario Vehlmann & De Bonneval ; dessin Tanquerelle ; design Blanchard ; Couleurs Laurence Croix .- Marcinelle (Belgique) éditions Dupuis, 2019

    ISBN 979-10-347-3928-8 (rel.)

     

     

     

     

     

    Ismaël Tayeb est lieutenant dans un gang criminel. Son grand patron lui donne un ordre qu'il ne peut refuser : trouver une pile nucléaire... Pour cela il va devoir remettre en marche et voler le dernier Atlas, un de ces immenses robots français qui géraient des constructions titanesques jusqu'au milieu des années 70, mais qui, suite à un grave incident à Batna durant la guerre d'Algérie, ont tous été démantelés… à l'exception du George Sand. Au même moment, Françoise Halfort, ex- reporter de guerre, se retrouve confrontée dans le parc de Tassili à un phénomène écologique et sismique sans précédent qui va bouleverser l'équilibre du monde... Un récit-fleuve, intensément feuilletonnant, à lire d'urgence !

    présentation de l'éditeur


     Au fil de la presse...

    Entre science-fiction, politique et thriller, Le Dernier Atlas pose la question : et si la France de l’après-guerre avait été reconstruite grâce à des robots géants ? Cette trilogie ambitieuse, écrite et dessinée à huit mains, prend le pari de conjuguer bande dessinée d’auteur et saga mainstream.

    HERVÉ TANQUERELLE


    Hervé Tanquerelle est né le 9 août 1972 à Nantes.

    En 1998 sort son premier livre, "La Ballade du Petit Pendu" (l'Association). Depuis, il n'a de cesse de multiplier les expériences graphiques et narratives, en solo ou en collaboration avec de nombreux scénaristes.

    Son travail évolue aussi bien dans la bande dessinée dite de genre ("Le legs de l'alchimiste" avec Hubert, "Professeur Bell" avec Sfar, "Les faux visages" avec David B, "Les voleurs de Carthage" avec Appollo ) que dans l'adaptation littéraire ("Les racontars arctiques" avec Gwen de Bonneval d'après Jorn Riel), le récit de témoignage ("La Communauté" avec Yann Benoît) ou bien encore l’autofiction ("Groenland Vertigo").

    Son dernier ouvrage en date est "Le Petit Livre French pop" avec Hervé Bourhis. De 2012 à 2015, il était le rédacteur en chef de la revue de bandes dessinées et fictions numériques "Professeur Cyclope", fondée, entre autres, avec Fabien Vehlmann et Gwen de Bonneval.

    C'est lui qui dessine et donne vie aux personnages du "Dernier Atlas".
    Le dernier Atlas
    Le Serment du Tophet
    La Nuit de Baal-moloch
    Le Petit Livre French Pop

    FRED BLANCHARD


    Issu des rangs de l'ESAG Penninghen, Fred Blanchard a connu une carrière d'illustrateur de presse avant de devenir directeur de collection pour les Éditions Delcourt, défendant une bande dessinée de genre exigente au travers de séries comme "Jour J", "Carmen Mc Callum", "L'Histoire Secrète", "L'Homme de l'année" et "Wonderball".

    En parallèle il entame en 1991 une carrière dans le dessin animé aux côtés du réalisateur Pascal Morelli. Il supervise le département décors du studio Gangster sur diverses séries télévisées jusqu'à l'adaptation en long métrage de "Corto Maltese" en 2002. Fred Blanchard dessine la presque totalité des décors du film "Corto Maltese : La Cour secrète des arcanes" et supervise en parallèle les décors de la série télévisée.

    Fin 2007 il dessine l'album "Travis-Karmatronics", publie le artbook "Surplus Universalis" et commence à créer en parallèle des designs pour diverses séries dont "Spirou et Fantasio" (Vehlmann et Yoann), "Les Naufragés d'Ythaq" et "Sangre" (Arleston et Floch), puis "Renaissance" (Duval et Emem). Il dessine actuellement un roman graphique qui paraîtra en 2020.

    C'est lui qui donne le design général du "Dernier Atlas".
    Le dernier Atlas
    Renaissance tome 1 2 3
    Alerte aux Zorkons
    La face cachée du Z
    Dans les griffes de la Vipère
    Le grooù sniper Alley

    FABIEN VEHLMANN


    Fabien Vehlmann est comme ses héros : pétillant, engagé et plein d'humour.

    Après avoir patiemment suivi les cours d'une école de commerce nantaise, Fabien Vehlmann réalise que sa voie est ailleurs. Bien décidé à se lancer dans la bande dessinée, il se consacre à l'écriture de manière intensive durant une année entière. Il empile les projets et inonde scrupuleusement la rédaction du journal Spirou. Sa ténacité est récompensée : il y fait ses débuts dans le courant de l'année 1998. Dans les pages du beau journal, il apprend son métier en scénarisant des animations, puis ses premières séries dont le fameux "Green Manor" avec Denis Bodart.

    Curieux et enthousiaste, Vehlmann touche à tous les genres : humour, science-fiction, aventure, conte,... Il multiplie les collaborations avec des dessinateurs aux styles aussi divers que Matthieu Bonhomme ("Le Marquis d'Anaon"), Frantz Duchazeau ("Les Cinq conteurs de Bagdad"), Kerascoet ("Jolies ténèbres"), Bruno Gazzotti ("Seuls") ou Eric Sagot ("Paco les mains rouges"). En 2006, il réalise une première aventure de "Spirou et Fantasio" avec Yoann : "Les Géants Pétrifiés". Quatre ans plus tard, les deux compères reprennent en main la destinée du plus célèbre héros des Editions Dupuis.

    C'est lui qui co-scénarise "Le Dernier Atlas", avec Gwen de Bonneval.
    Le dernier Atlas
    Seuls
    Green Manor
    Spirou et Fantasio tome 51 à 56
    Wondertown

    GWEN DE BONNEVAL


    Primé au Festival International d'Angoulême 2010 pour "Messire Guillaume", en collaboration avec M. Bonhomme, Gwen de Bonneval aime diversifier les approches de la BD : tantôt auteur complet, tantôt dessinateur sur des scénarios de F. Vehlmann, ou encore scénariste pour des dessinateurs dont il se sent proche (M. Bonhomme, H. Tanquerelle, H.Micol, H.Piette...).

    En 2002, il créé, avec ses amis de L'Atelier du Coin, le magazine de bandes dessinées jeunesse Capsule Cosmique, fonde et dirige ensuite la collection BD des éditions Sarbacane, puis devient directeur éditorial du mensuel numérique Professeur Cyclope. Président du jury du festival international d'Angoulême en 2015, il co-fonde et co-préside l'association nantaise Maison Fumetti.

    En 2018 paraissent "Polaris ou la Nuit de Circé", avec Fabien Vehlmann, et l'intégrale des "Racontars arctiques", adaptation de Jørn Riel qu'il signe avec Hervé Tanquerelle. Il se consacre aujourd'hui pleinement à ses activités d'auteur.

    C'est en tant que co-scénariste qu'il intervient sur "Le Dernier Atlas".
    Le dernier Atlas
    Messire Guillaume
    Gilgamesch
    SAmedi et Dimanche
    Bonneval Pacha

    Présentation / Festival Bd d'Angoulême 2021


     

    “Le Dernier Atlas” : un feuilleton BD trépidant qui manie géopolitique et robot géant

    Le dernier AtlasUn truand nantais piste un robot mis au rebut, sur fond de géopolitique et d’étranges phénomènes en Algérie… “Le Dernier Atlas” est le premier tome haletant d’une trilogie signée à cinq – dont le scénariste Fabien Vehlmann et le dessinateur Hervé Tanquerelle.  

    C’est un pavé – le premier d’une trilogie – qui se lit à vitesse accélérée, un thriller qui flirte avec le paranormal, une uchronie géopolitique. Dans Le Dernier Atlas (éd. Dupuis), Ismaël, truand mystérieux, mène son sale business dans la région de Nantes. Le voilà soudainement obligé de trouver de l’uranium. Ce qui le mène sur la piste d’un géant mécanique, le dernier Atlas, fabuleux robot abandonné par l’Etat français. Pendant ce temps en Algérie, d’étranges phénomènes ont lieu : des oiseaux se rassemblent sans raison dans le désert, puis une curieuse forme émerge du sol.

    Avec un art consommé de la narration, Fabien Vehlmann et Gwen de Bonneval tissent une intrigue charnue, inattendue, pleine d’angles morts intrigants. Tandis qu’Hervé Tanquerelle, Fred Blanchard et Laurence Croix lui donnent un style graphique nerveux et clair. Rencontre avec le scénariste Fabien Vehlmann (Seuls, Paco les Mains rouges…) et le dessinateur Hervé Tanquerelle (Les Voleurs de Carthage, Groenland Vertigo…).

    Qui est ce fameux dernier Atlas ?
    Fabien Vehlmann : Un robot anthropoïde géant de 40 mètres de hauteur, imaginé à la fin des années 1930, qui fonctionne au nucléaire. Il aurait aidé à reconstruire la France d’après 1945, mais aussi à mener la guerre en Algérie. C’est le symbole de la France triomphante sous de Gaulle. Un engin de construction et de répression à la fois. Ses différents exemplaires ont porté le nom d’auteurs connus : il y a le George Sand (celui qui nous occupe), l’Arthur Rimbaud, le Victor Hugo… Ces robots ont été démantelés à la suite d’un incident nucléaire en Algérie. Le George Sand gît dans une décharge en Inde, où il est en train de rouiller – je me suis inspiré du sort qu’a failli subir le porte-avions Clemenceau…

    Comment a-t-il été conçu graphiquement ?
    Hervé Tanquerelle : Il a été designé par Fred Blanchard, qui a poussé le sens du détail jusqu’à dessiner chacune de ses pièces, même celles qui ne sont finalement pas utilisées dans nos pages. Pas question de nous inspirer de Goldorak et de son fulguropoing : il s’agissait de créer un robot occupé par un équipage, actionné par des hommes.

    “Notre but était d’être divertissants et exigeants, d’offrir une BD populaire de qualité.”

    D’où est venue l’idée de l’Atlas ?
    F.V. :
     D’une image séminale vue en 2003. Pour stimuler mon imagination, je fais régulièrement des collages surréalistes. Je découpe alors dans Télérama la photo de l’arrière d’un bateau. J’y ajoute le titre « Les Géants du ciel », et l’interprète comme la tête d’un énorme robot, squattée par des familles. Cela mène à un projet de BD avec le dessinateur Juanjo Guarnido [coauteur de la série Blacksad, ndlr], qui tombe à l’eau. Sur le même thème, je travaille ensuite avec mon complice Gwen de Bonneval à une série feuilletonnante en turbomédia [BD numérique] pour le magazine numérique Professeur Cyclope, que dessine Hervé Tanquerelle. Mais on ne parvenait pas à tenir le rythme de vingt pages par mois. On a dû douloureusement laisser tomber… C’était d’autant plus difficile que le sujet du Dernier Atlas me tenait à cœur : mon père, fils d’immigrés originaires de pays baltes, a été militaire, pilote en Algérie. J’avais envie de fouiller ce trauma national qu’est la guerre d’Algérie ; elle hante encore les esprits français, comme une querelle familiale non soldée.

    Le dernier Atlas

    Comment l’histoire a-t-elle été relancée ?
    F.V. : 
    Deux ans après la fin, en 2015, de l’aventure Cyclope, Gwen de Bonneval m’a suggéré de la réactiver. Tout est venu avec facilité et fluidité…

    H.T. : De mon côté, après Groenland Vertigo, je cherchais un nouveau projet. J’ai contacté le designer Fred Blanchard, et nous avons embarqué dans l’aventure.

    Pourquoi ancrer une partie de cette uchronie dans l’ouest de la France ?
    F.V. :
     Les Atlas sont construits à Saint-Nazaire, et on navigue pour ce premier tome dans le milieu du banditisme nantais… Les quatre auteurs de départ [auxquels s’est ajoutée la coloriste Laurence Croix, ndlr] vivent à Nantes. C’était amusant de parler de notre région. Et puis c’est un facteur de crédibilité et d’incarnation important dans un récit de genre, cela permet de ne pas tomber dans la caricature. Tout l’enjeu de cette histoire est de faire oublier à quel point ce robot est grotesque ! Avec Gwen de Bonneval, mon coscénariste, nous avons fourni un gros travail de recherche afin de justifier un maximum d’éléments. Nous ne voulions pas d’une intrigue bancale, qui flottille. Notre but était d’être divertissants et exigeants, d’offrir une BD populaire de qualité. Nous avons ainsi toqué à la porte d’associations d’anciens sous-mariniers, discuté avec des ingénieurs nucléaires, des architectes… 

    “En référence à la série télé ‘Les Soprano’, on s’intéresse à des salopards.”

    H.T. : La crédibilité passe aussi par le dessin : j’ai travaillé à partir de planches très précises, qui auraient pu être des plans d’urbanistes ou d’ingénieurs. On a même fait modéliser l’Atlas en trois dimensions – j’ai utilisé des captures d’écran, décalquées et reprises à la table lumineuse. Mon trait a été ici très tenu, réaliste, bien plus que dans mes précédents albums. J’ai eu un déclic en plongeant dans l’œuvre du Japonais Naoki Urasawa (Pluto, 20th Century Boys…) qui, avec un style très fin, incarne très bien ses personnages.

    Avec le George Sand, Ismaël Tayeb, un bandit aux motivations troubles, est l’autre héros de la série…
    F.V. : J’ai habituellement une tendance verbeuse dans l’écriture : j’imagine beaucoup de protagonistes et de ramifications. Ici, je me suis forcé à une certaine économie, à « rentabiliser » certains personnages dans ce récit au long cours. Ismaël sert de guide au lecteur, c’est une forme de politesse envers lui. Il s’agit d’un antihéros qui tord le cliché du pilote héroïque, un peu chiant… En référence à la série télé Les Soprano, on s’intéresse à des salopards, plus particulièrement à ce caïd maghrébin que l’on rend touchant et complexe. Il fait à la fois des trucs héroïques et des choses dégueulasses. Né en France de parents algériens, il n’a jamais mis les pieds en Algérie.
     
    Comment avez-vous pensé la forme de cette future trilogie ?
    F.V. :
     Comme un feuilleton, en cherchant à donner un côté haletant à la narration, et envie au lecteur de lire la suite. Nous avons conçu des chapitres de vingt pages, réalisés chaque mois par Hervé, avec des rebondissements réguliers.

    H.T. : J’ai travaillé traditionnellement, à la plume et à l’encre de Chine, en reprenant ensuite les planches à l’ordinateur. Je reçois le scénario au fur et à mesure, je ne connais pas l’avenir de nos héros. L’excitation monte au fil des épisodes, je ressens grâce au Dernier Atlas des émotions très adolescentes !

    Le dernier Atlas

    Laurence Le Saux (Télérama)

     

    Roman graphique entre banlieue parisienne et désert algérien, le scénario (uchronie) prend appui sur des éléments partiellement factuels, les essais nucléaires qui sur menés en Algérie dans les années 1950-60 par les militaires français. Imaginons que les ingénieurs français auraient développé une dizaine de robots géants (les Atlas) mus par l'énergie nucléaire capables de bâtir des immeubles. Les décennies passant, les machines sont remisées dans des usines de récupération de matériaux, tels de vieux cargos. 
    Revenons au présent, c'est à dire les années 2020... Une mystérieuse force tellurique se manifeste dans la zone qui fut autrefois le théâtre des fameux essais. Quoi d'autre qu'un Atlas remit en état pour affronter cette menace !

    Les auteurs mêlent savamment la pègre de la banlieue d'une ville de province (incarnée par l'attachant Ismaël Taïeb, le fil conducteur de cette étrange aventure) à cette énigme.

    Les Atlas font à l'évidence référencent au robot sur lequel s'achève lelong-métrage dessiné 'Le roi et l'oiseau' de Paul Grimaud et Jacques Prévert.

    Lu en mars 2021, collection personnelle (Marianne, offert par Jérôme, Noël 2020)

     

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    Le conservateur
    Le conservateur

    Le conservateur : roman / Nadine Gordimer ; traduit de l'anglais (Afrique du Sud) par Antoinette Roubichou-Stretz .- Paris : Grasset, 2014 (collection Les cahiers rouges)

     

     

     

     

     

    Le début du Conservateur (le cadavre d’un Noir trouvé dans la propriété agricole d’un industriel blanc nommé Mehring) ressemble à un fait divers, mais c’est encore l’occasion pour Nadine Gordimer, prix Nobel de littérature en 1991, de développer une analyse spectrale de l’histoire et des mentalités de son pays. Mehring est un pur produit de la société blanche sud-africaine des années 60-70, un homme par qui la politique de l’apartheid se perpétue, à bout de souffle. A l’image d’un système schizophrénique, Mehring va sombrer sous le poids de sa propre histoire, de ses contradictions, de sa vacuité. Il verra son fils rebelle et sa maîtresse gauchiste s’éloigner de lui et le laisser avec ses fantômes. Ce roman, parmi les plus élaborés et les plus poétiques de Gordimer, a obtenu le Booker Prize en 1974. On y retrouve l’un de ses thèmes favoris : la bonne conscience, les mensonges qui aident certains à vivre et qui forcent d’autres à mourir

    présentation de l'éditeur


     Au fil de la presse...

    Il ressemble à El Gringo, celui de la publicité pour une marque de café bien connue : « Un pays, une passion » ; « Cette terre, je l’ai foulée dans tous les sens, par tous les temps... » Il est sans doute plutôt bel homme. Puissant. Son sexe évoque, selon lui, la fleur du bananier qui pousse sur sa terre à lui, celle de l’Afrique du Sud, dont il s’est arrogé plusieurs centaines d’hectares.

    Homme d’affaires prospère, il s’est en effet acheté le luxe de se muer, le temps de week-ends efficaces, en fermier craint et respecté de tous les « pauvres diables » noirs qui travaillent pour lui, pour son seul plaisir, celui d’être le maître, le seul, le seul qui puisse jouir pleinement de l’odeur de l’Afrique, de cette odeur (impression très vive à la lecture du livre) dont il serait difficile de ne pas tomber amoureux.

    Par contre, lui, Mehring, le Blanc libéral « pas tout à fait comme les autres » au dire de sa maîtresse militante et métisse et de son fils objecteur de conscience, pue. Il pue par tous les pores. Comme l’eau de Cologne (dont il s’asperge) peut puer ; comme une Mercedes conduite en souplesse, une vie de dîners en ville, cocktails, parkings au pied du bureau (on ne voit ainsi pas les Noirs), jets en première classe, etc., peuvent puer. Surtout au pays de l’apartheid. La répulsion pour ce personnage, donc pour ce qu’il incarne, est viscérale.

    Mais le dessein de Nadine Gordimer est sans doute plus sophistiqué, plus ambitieux. Elle rappelle qu’en 1974, date à laquelle son livre fut publié, puis interdit, « on n’avait pas encore envoyé l’armée contre les townships », mais qu’ « il ne fallait pas être grand clerc pour deviner que c’était imminent ».

    C’est cette perception des révoltes à venir, non leur répression, bien sûr, qui empoisonne le subconscient de Mehring. C’est son refus absolu de tout changement social (il veut « conserver » la terre, donc ses privilèges) qui le mène à la paranoïa, à la folie. Car il pressent que le paradis des Blancs va se transformer en cauchemar. La terre ne lui appartient pas. Elle est « vaine » (2). Le cadavre du Noir assassiné trouvé dans sa ferme, enseveli sur place comme un chien, sans sépulture, sans enquête, va revenir polluer l’esprit et l’espace : les lambeaux de chair et d’os, charriés par les pluies diluviennes trouvent là leur revanche, préfigurant la venue d’autres corps, par milliers, qu’il faudra désormais honorer d’un cercueil. Ils semblent dire : « Je te montrerai la peur dans une poignée de poussière. » La peur de l’homme blanc.

    A l’heure où Mgr Desmond Tutu appelle à boycotter les élections municipales prévues pour le 26 octobre, la voie risque d’être plus étroite que jamais pour l’écrivain qui a choisi de « rester écrivain » tout en accomplissant son « geste essentiel  ». Il ne devra pas déchoir, tout en se protégeant de la prison ou de l’exil.

    Pourtant, lorsqu’un engagement politique est aussi hautement et clairement exprimé que celui de Nadine Gordimer, lorsque son œuvre (malgré parfois une froideur d’entomologiste), témoigne de son opiniâtreté à dénoncer sur place l’apartheid, on peut espérer qu’elle va continuer à « élever la conscience des Blancs ». C’est en effet aux Blancs, faute d’autres moyens, que cette littérature s’adresse, qui n’a pas la prétention de parler du point de vue des opprimés noirs, mais de parler contre les oppresseurs. Il faut là un courage et une ruse que nous autres, tranquillement installés dans nos fauteuils, ne sommes pas encore à même de mesurer.

     

    Marie-Françoise Allain
    article paru en octobre 1988 dans le Monde diplomatique.

     


     

    Années 1970..., Afrique du Sud... Homme d'affaire aisé, Mehring partage sa vie entre les déplacements internationaux et une ferme acquise dans la banlieue de Johanesburg. Le contraste entre son quotidien dans le monde luxueux et superficiel des affaires et les week ends passés dans sa ferme, supervisant l'activité de ses ouvriers agricoles. Les personnages sont d'abord décrits selon leur origine éthnique si déterminante dans cette société sous le régime de l'apartheid. Les Indiens tiennent de petites échoppes en famille, les Noirs, selon qu'ils détiennent ou non des papiers les autorisant à travailler sont recrutés pour des activités physiques usantes et logés dans des bidonvilles, tandis que les Blancs, Boers ou anglo-saxons disposent de domestiques et vivent dans l'aisance, voyagent...

    Mehring, le personnage principal, arrive à un moment de sa vie où plus rien ne va de soi : il ressasse les souvenirs de ses relations (amoureuses, familiales) pour tenter de comprendre pourquoi elles aboutissent à des impasses. Ses rapports avec son contre-maître et les ouvriers sont plutôt corrects, mais une pointe de mépris à leur endroit affleure en permanence. Un fait divers (le meurtre puis la mise en terre d'un Noir inconnu sur le domaine de Mehring) va provoquer chez les ouvriers une forme de sursaut de dignité et de courage qui se traduira par l'organisation d'une cérémonie en hommage au mort en forme d'insoumission à leur 'maître'.

    Lu en février 2021 (collection personnelle (Marianne)

     

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